Brigitte est retournée voir son frère de temps en temps, et même il est venu, des fois, dans sa maisonnette. Robert garde un moral de fer, malgré son avenir tragiquement court. Il semble même aller de mieux en mieux, d'apathique et égocentrique le voilà qui s'intéresse à tout, fait du kayak, de l'astronomie d'amateur, s'abonne à des revues comme «Geo» et ne rate pas une sortie cinéma à «Connaissance du Monde».
Selon le conseil posthume de la Mère Grand, Brigitte lui a parlé, de l'Esprit, de l'écologie, des Lois Universelles du Bonheur. Elle a trouvé en lui une oreille complaisante, un interlocuteur aux questions pertinentes. Mais est-il vraiment convaincu? Comment le savoir? Il a assimilé les enseignements de Brigitte et même en a étudié de sa propre initiative. Mais avec quelle étrange distorsion... Brigitte a réalisé son absence quasi complète de sens moral, de Sensibilité à autrui. Il a comblé cette terrible lacune par un étrange échafaudage intellectuel, dont certains lecteurs ont parfois entendu parler: l'histoire de l'égoïste qui s'aperçoit que le Bonheur vient des relations avec les autres, et qui, dans le but d'obtenir ces relations, se montre bon et altruisme... par égoïsme. Et le Frère de Brigitte s'est ainsi mis à pratiquer les plus belles Vertus: Gentillesse, Prévenance, Serviabilité... avec en arrière plan un étrange cynisme. Et bien entendu, il s'est jeté sur cette affreuse mode crado-fachiste de l'époque, vêtement noirs, cheveux hérissés et musiques suicidogènes, la mode sida comme l'appelle Brigitte.
Globalement, Robert a progressé, mais tel un oignon, il lui faudra encore rejeter une autre ancienne peau avant d'être vraiment lui-même. «Dans dix ans» dit-il, comme si il connaissait son programme de vie par avance. Ah! Mystérieux personnage!
Ajouté en 2019: Robert est toujours vivant aujourd'hui, ce qui l'amène à l'âge de la retraite. Victime de l'escroquerie Sarkozy sur les retraites, il a pu s'arranger avec son patron, qui lui a fait un licenciement économique. Ainsi il est libre de son temps plus tôt que prévu, même si il n'est pas encore officiellement retraité.
Il n'a jamais pu avoir de compagne, à cause de la maladie. Mais cette dernière ne s'est jamais déclarée, car il est probablement de la minorité bénéficiant d'un gène protecteur.
Il a tenté de s'impliquer dans un grand parti d'extrême droite, avant de finalement comprendre que ces partis demandent beaucoup de leurs membres, tout en donnant fort peu. Aussi il se consacre maintenant à des loisirs plus créatifs. Un voyage en Thaïlande l'a finalement décidé à faire des dons humanitaires, et à abandonner les orientations politiques égoïstes vues ci-dessus.
Là aussi, Brigitte a failli rencontrer ces deux-là, à la faculté, dans le même amphi, pendant les grèves. (Sous d'autres noms, bien sûr) Sans doute même leur a t-elle parlé, mais ils ne l'ont jamais accompagnée dans la boîte à manger des étudiants, étant déjà écolos et bios depuis belle lurette.
Mais j'en vois qui ne suivent pas: Gunniverre n'était-elle pas Aurora? Donc Brigitte? Oui, mais si l'âme de Gunniverre était bien Aurora, pour cette raison même elle n'avait aucun avenir possible avec Arnaud. C'est une âme débutante, émue du sort de Gunniverre, qui avait endossé ses souvenirs, était rentrée dans son histoire, dans son film. Ce n'est pas une chose normale, mais il est procédé ainsi dans certains cas particuliers, quand cela s'avère bénéfique. Dans ce cas, cela a aidé Arnaud à se reconstruire un état d'esprit positif après sa terrible épreuve. L'âme débutante en avait aussi tiré un net profit, héritant des beaux sentiments, puissants et purs, de l'ex-châtelaine. Même au siècle de l'astronautique, elle était bien plus Gunniverre qu'Aurora elle-même ne l'avais jamais été.
Même physiquement, elle lui ressemble: petite taille, formes légères mais bien rondes, cheveux intensément noirs, même parfum léger sur sa peau lisse et blanche, comme légèrement translucide. Elle a fait enrager tous les marchands de produits de beauté de la ville, en leur demandant une crème solaire qui empêche de bronzer, pour garder son teint blanc de damoiselle qui lui va à ravir. Oh, qu'ils étaient pas contents! Il ne faut jamais demander à un commerçant quelque chose que «les gens ne demandent pas»! Comme si cela ne suffisait pas, elle a récidivé quelque temps plus tard en exigeant cette fois des produits sans fréon, ce qui à l'époque équivalait à demander si la Terre tourne en pleine inquisition. Ah les modes...
(Ajouté en 2019: le fréon a finalement été interdit, malgré les réticences et les prophéties de malheur. Mais ce n'était rien en comparaison de l'avalanche de pus climatosceptique qui a saboté l'interdiction des combustibles fossiles.)
Quant à Arnaud, ses bonnes incarnations en Inde ne lui avaient pas rapporté ce qu'il en escomptait. Il faut dire qu'il y avait quelque peu... fainéanté. «Eh, je ferai ce travail dans une prochaine vie, en attendant je m'amuse bien» avait-il pensé comme d'ailleurs beaucoup d'autres Hindous. Mais voilà, la prochaine vie était là, maintenant, et il n'avait plus de temps à perdre.
Heureusement il s'y était cette fois mis sérieusement. De l'Inde il a rapporté l'alimentation végétarienne, qu'il sut faire comprendre à ses parents dès l'âge de douze ans, et qu'il offrit à Gunniverre en la retrouvant, à quinze ans. Quelle merveille, de découvrir l'Amour si jeune, avec la tendre complicité de leurs parents, qui surent voir tout de suite qu'ils étaient faits l'un pour l'autre! Gunniverre est de nos jours une jeune fille à la fois calme et enjouée, qui connaît ses traditions et la Nature, sans pour autant idéaliser le passé (Elle l'a connu...) Arnaud joue très bien de la guitare, du tempura et même un peu de sitar, et le voilà, étudiant aussi fantasque et primesautier que précis dans son travail, qui prépare une licence ès sciences et vise le CNRS ou le CNES.
De la graine de vrai savant...
Peut-être caresse t-il quelque secret espoir d'un jour s'arracher à l'attraction terrestre dans une apothéose de flammes et de tonnerres...
Comme autrefois l'amour bref et pathétique de Gunniverre et Arnaud, pour chaste qu'il fut, n'en avait pas moins profondément marqué leurs deux corps subtils, il était normal que ce couple se retrouve et fasse finalement, huit siècles plus tard, un beau Bonheur sans taches... Qui rejaillira sur les autres humains, sous forme de belles créations pour un monde meilleur.
Ces deux-là sont définitivement perdus, penserez-vous. Eh bien non, l'Univers ne les a pas abandonnés à leur triste sort. Il a le temps, l'univers. Mais quoi d'autre que de terribles épreuves pouvaient entamer une aussi épaisse carapace d'orgueil? «La souffrance fait évoluer» répétait Frédérique à qui voulait l'entendre. Mais ce qu'il ignorait est que ce qu'il prétendait apprendre aux autres était précisément ce dont lui avait le plus besoin. Une âme compatissante s'était levée, pour provoquer l'épreuve cruelle, mais que le refus d'avancer de Frédérique avait rendue inévitable.
Fiers qu'ils étaient, de leur mignon petit bébé. «Un enfant de lumière» «Un petit ange» répétaient à l'envi tous les adeptes de leur groupe. Au grand dam de Gérard et Hélène, à qui on prédisait au contraire que leurs enfants seraient anémiques et inadaptés sociaux. Un petit ange, ce devait effectivement en être un, pour avoir accepté une aussi ingrate mission. Il faut dire que Frédérique, comme autrefois le baron, avait fondu devant cette candeur des débuts de la vie. C'était là le défaut de sa carapace d'orgueil, en quelque sorte. Une brèche par où un peu de Pureté et de Bonté pouvaient entrer en lui. Et elles y entrèrent: sans doute pour la première fois dans son histoire, cette âme aimait, se régalait de bons sentiments. Une alchimie similaire devait s'être produite aussi chez Martine, qui, devant son enfant, pour la première fois de sa vie souriait sans calcul. Elle en éprouva une délicieuse surprise... Bien sûr son terrible orgueil ne le lui laissait pas admettre, elle disait qu'elle «ressentait des énergies», mais c'était bien la toute première forme d'Amour, l'Amour maternel, qui s'éveillait en elle.
Il ne faut pas penser qu'ils étaient guéris du mal pour autant. On ne remonte pas si facilement du plus terrible gouffre qui soit, et surtout pas sans effort, surtout pas sans combattre impitoyablement toutes les illusions qu'on s'est soi-même créées pour s'y enfermer (C'est aussi cela, le karma). Mais le Bien avait réussi une tête de pont, grâce au minois si innocent du bébé-ange.
Martine, qui avait un peu le don de voyance, était inquiète ce matin-là. Elle avait pour la centième fois fait ce rêve incompréhensible: Son enfant chéri n'était pas à elle, mais à Brigitte, et elle devait le lui rendre. On imagine avec quel affreux déchirement... En voyant Frédérique monter en voiture avec le bébé, elle ressentit une indéfinissable angoisse... Mais comment le lui dire? Il l'aurait envoyée promener. Elle qui avait sciemment brisé plusieurs familles avec des fausses voyances, se retrouva ce matin-là la langue paralysée, incapable d'ouvrir la bouche pour en dire une vraie...
Comme souvent chez les grands têtus, dès qu'on tentait d'expliquer quelque chose à Frédérique, même si c'était dans son intérêt, il en prenait systématiquement le contre-pied. Ainsi Cheryl, son ancienne compagne dont Brigitte avait trouvé les photos, le suppliait de ne point conduire trop vite en voiture. Elle était restée traumatisée d'un terrible accident où, adolescente, elle avait perdu ses parents. Frédérique avait répliqué, comme habituellement chez les faux maîtres, en échafaudant toute une pseudo-théorie sur la nécessité d'affronter nos peurs, et il l'appliquait en roulant bien trop vite sur ces étroites routes de montagne, extrapolant l'aspect de la chaussée bien au-delà de ce qu'il lui était réellement possible de voir. «Les arbres ne traversent jamais la route» rétorquait-il à ceux qui osaient lui signaler son imprudence. Or justement ce matin-là un vieil acacia traversa la route, brisé net sous le poids d'un lierre envahissant. Et, roulant comme à son accoutumée bien plus vite que ne lui permettait la visibilité, Frédérique ne le découvrit que bien trop tard.
⚠ Quand il revint à lui, après le terrible choc, il se retrouva éjecté à côté de sa voiture d'où montait en se tordant horriblement une épaisse colonne de fumée noire. «Le bébé! Dans la voiture!» Il eut beau se brûler frénétiquement les mains aux tôles déchiquetées, dans la fumée pestilentielle, il n'y avait plus rien à faire. L'ange était reparti.
⚠ Frédérique pouvait hurler à l'injustice et accuser l'univers, il se retrouva seul face à son immense souffrance, à son regret infini...
⚠ Trop pour lui.
⚠ Rien par rapport à tout ce qu'il avait fait subir aux autres.
⚠ C'est encore groggy et sanguinolent qu'il revint chez lui à pied, annoncer la terrible nouvelle à Martine...
Aujourd'hui, si vous passez par là, vous trouverez peut-être encore les stages «pleins de super-vibrations». Mais les animateurs y sont un peu moins arrogants qu'au début, un petit peu plus attentifs aux souffrances des autres... Et un peu plus prudents au volant. Surtout, depuis que la souffrance les a fait évoluer, ils s'abstiennent de répéter ce méchant aphorisme à tout bout de champ. Il serait temps, car Martine et Frédérique sont maintenant arrivés à un âge au-delà duquel il devient de plus en plus difficile de choisir le Bien, d'étudier et d'appliquer eux-mêmes ce qu'ils prétendent enseigner aux autres.
Pour la première fois peut-être, ces âmes avaient souffert pour quelqu'un d'autre, et non plus sur elles-mêmes. Une portion de leur forteresse de cynisme s'est effondrée, et peut-être que par la brèche si dramatiquement ouverte, un peu de lumière parvient à réchauffer leurs âmes encore prisonnières dans leurs cachots. Oh, allez, elles y mettrons le temps, à s'éveiller, sans doute leur faudra t-il plusieurs vies, sans doute auront-ils encore l'occasion de se pavaner sous les yeux de leurs adorateurs. Mais, s'il est impossible d'entamer la citadelle d'orgueil de l'extérieur, elle est telle une coque de noix, qui cédera inéluctablement sous l'humble poussée de l'âme qui germe à l'intérieur.
Ne jetons pas la première pierre à ces deux.
Peut-être était-ce nous, il y a bien longtemps.
Quant au petit ange, qui n'a pas hésité à supporter cette mort affreuse pour aider Frédérique et Martine à connaître le prix de la vie, qui était-il? Certains ont dit que c'était l'ange gardien de Frédérique, qui tenta cette manoeuvre désespérée. D'autres ont supposé que c'était une de ses victimes suicidée, venue l'aider à se désembourber du mal. J'ai même entendu chuchoter qu'il n'était autre que... Oh! Lui! Ce n'est pas possible! Mais allez savoir... Rappelez-vous, il disparaissait souvent les derniers temps, sans jamais dire pourquoi. Non, jamais le petit ange ne dira son véritable nom. Cet émouvant sacrifice d'Amour restera pour toujours humble et anonyme.
(Ajouté en 2019) (spoiler!) L'histoire s'est finalement sue, des années après. Quelque part dans l'une des plus profondes salles à voyage astral d'Irizdar, Adénankar et Milarêva venaient d'arriver, pour veiller une silhouette étendue sous des couvertures depuis plusieurs mois. Ils sont restés un moment à méditer eux aussi. Soudain, la silhouette bondit, se contorsionnant et poussant d'étranges cris. Puis Nellio finit par se réveiller normalement. «C'est donc ça, la douleur» fit-il. Puis «C'est fini, maintenant». Il tenta de se lever, mais chancela d'être resté si longtemps sans manger. Adénankar avait apporté des pâtes de fruit, et Milarêva une outre d'eau. Nellio resta un moment assis, le temps de retrouver ses forces. «Il ne détruira plus d'autres âmes, maintenant», fit-il encore. Puis ils ont quitté ce lieu, pour ne jamais y retourner. Quelques jours plus tard des charpentiers d'Irizdar sont venus brûler ces couvertures, et reboucher ce souterrain avec de la terre des morts.
Brigitte, une fois rentrée sur la Terre, a beaucoup de travail pour se rappeler de tout ce qu'elle a vécu pendant ces trois merveilleux jours qu'elle a passé avec ses amis éolis, tant les enseignements de Gardiens étaient denses et variés. Mais elle en garde un puissant sentiment de Vérité qu'aucune vicissitude terrestre ne saura jamais entamer: Elle est une éoline, et son âme soeur l'attend là bas sur leur lointaine planète. C'est littéralement gravé dans son cerveau. Avec cette rassurante certitude de, quoi qu'il arrive, même la torture ou la mort, d'être automatiquement ramenée au bon port. Elle se souvient aussi parfaitement pourquoi elle a décidé, de son plein gré, de rester encore un peu sur la Terre.
En retournant dans le sas qui la ramenait chez elle, Yanathor lui avait dit adieu. «Notre mission est terminée désormais, et nous devons à nouveau nous plier à notre loi de discrétion. Il ne nous reste plus qu'à surveiller ton retour sur Aéoliah, dans quelques années, mais nous devrons le faire sans nous manifester». Qu'il était donc déchirant cet adieu d'un être tel que Yanathor! Elle n'en était pas sûre, mais sa voix lui avait semblé trembler en disant cela. Il détourna son visage... Se pourrait-il que même le Maître Cosmique ne puisse retenir ses larmes en quittant sa protégée? Emouvants Gardiens Cosmiques, demi-dieux si puissants, si parfaits, et si proches de l'humain à la fois!
Rappelons nous que les Gardiens Cosmiques auraient pu, tout comme les éolis, ignorer chagrin et souffrance, mais qu'ils ont préféré connaître toute l'étendue des sentiments humains, et en particulier la divine Compassion pour les victimes du mal, afin de mieux les défendre...
Il n'y eut pas de voyage de retour. Brigitte avait simplement ouvert la porte du sas, puis avait regagné sa chambre par la fenêtre, comme elle en était sortie. Elle avait retrouvé son lit tout tiède, quelques minutes à peine s'y étant écoulées quand elle vivait trois jours dans le vaisseau.
Le matin en se réveillant, elle pensa, l'espace d'un instant, avoir rêvé tout cela. On sait parfois comme les rêves sont longs et compliqués! Mais son sentiment de vérité ne la trompait pas. Elle se rappelait des retrouvailles avec les éolis, des incroyables projections des Gardiens, des merveilleuses visions d'Aéoliah et de l'espace, et par dessus tout elle en gardait un puissant sentiment de certitude et de Bonheur accompli... Quelques indices furtifs levaient le doute, comme une petite coupure à son doigt qui s'était totalement cicatrisée, et quelques autres détails, les cageots de fruits exotiques qu'elle découvrit dans sa cuisine par exemple, cageots tout à fait ordinaires qu'elle aurait pu avoir acheté à l'épicerie, mais voilà elle était certaine de ne pas en avoir acheté. Et surtout pas de ces fruits, introuvables en France.
Certitude pour elle, mais absence totale de preuve pour les autres, comme d'habitude... C'est bien ce que l'on appelle être élusif.
Brigitte eut bien sûr quelques moments d'âpre regret, d'avoir loupé une si belle occasion. Mais en même temps, elle ressentait une Sérénité plus puissante que tout ce qu'elle avait connu, une plus grande force, une nouvelle santé, un équilibre définitif. Elle ne s'y attendait pas, pourtant le don pour les autres l'avait comblée elle-même en premier...
Quand Gérard la retrouva, il eut l'air surpris.
«Mais, tu as bronzé, ma parole! Par ce temps! Et d'où sors-tu donc tous ces fruits?»
Comme elle ne répondait pas, il fit:
«Ce regard... Tu as encore vu... »
Elle sentit qu'elle devait parler à Gérard et à ses amis de Peyreblanque. Elle lui raconta tout ce qu'elle se rappelait. Yanathor lui avait expliqué en quoi avait consisté sa mission, et le succès qui l'avait couronnée, mais de cela précisément, seule subsistait la jubilation d'avoir réussi.
Le voyage fut donc consacré à son histoire, que Gérard écouta sans piper mot, l'air à peine surpris, sans quitter la route des yeux, en conducteur attentif. Elle l'observa. Malgré l'incroyable de son récit, il semblait y ajouter foi sans la moindre hésitation, et en éprouver tout son poids d'émotion. Il finit par conclure: «Je me doutais que cette histoire aboutirait à quelque chose de grandiose. Mais tout s'est passé dans le plus total anonymat. Ce matin, comme d'habitude, les journaux ne parlent que de foutbole, de guéguerre, de rien. Je dois te dire, Brigitte, que moi, à la porte du Paradis, je ne crois pas que j'aurais été capable de prendre une décision comme la tienne... J'y serais allé, basta, tant pis pour les autres. Tu es une sacrée femme...»
Gérard ne posa pas de questions, pas davantage étonné. Les années de méditation, de culture du jardin des âmes, d'observation de soi, avaient petit à petit transformé cet ex-étudiant coléreux et prétentieux en un personnage fort et serein, menant sa voiture, comme sa vie, d'une main sûre et calme, tandis qu'ils commençaient à serpenter dans la sinueuse vallée qui mène à Peyreblanque. Et loin de culminer, ces spectaculaires métamorphoses allaient en s'accélérant...
Sur le mur de sa chambrette à Peyreblanque, Brigitte-Aurora a peint la petite porte demandée par Yanathor, en se demandant si elle servirait effectivement un jour. A quelles étranges aventures? Les éolis débarquant à Peyreblanque, quelle fascinante perspective!
Peyreblanque a dû trouver un nouvel équilibre, à cause de la baisse de fréquentation des stages, qui menaçait de les plonger encore plus dans la misère. Et puis Gérard en avait tellement marre de cette image qu'on leur collait sur le dos, de ces lamentables pseudo-communautés crasseuses et pleines de problèmes qui ont tant fait pour discréditer et saboter le mouvement communautaire.
Marc a rencontré par hasard son ancien patron, qui lui avoua qu'il n'avait jamais pu lui trouver un véritable remplaçant. Quelques semaines plus tard, Marc reprenait son emploi, une semaine sur deux, avec un petit studio tranquille déniché juste au bon moment. Il reprenait aussi son ancienne association de yoga qui elle non plus ne s'était jamais vraiment remise de son départ. A chaque semaine libre, il redescend à Peyreblanque, et de temps à autres le groupe entier organise un week-end au mas, sans compter bien sûr les stages d'été qui continuent. De par sa nouvelle situation, pleine de contacts, Marc rencontre beaucoup de gens qui lui expliquent leurs problèmes, psychologiques, affectifs, spirituels. Et il leur parle, les aide, leur indique des exercices, des régimes. Yolande, elle, peint moins souvent mais avec l'argent que rapporte maintenant Marc, elle pense pouvoir imprimer des reproductions de ses tableaux, pour que tout le monde en profite. (Ajouté en 2020: les coûts exorbitants et la mauvaise volonté des éditeurs n'ont jamais permis à ce projet d'aboutir. Aussi Yolande a tout mis en accès libre sur Internet, sur Pinterest, Deviant Art, Flickr, Instagram, etc. Où vous pouvez trouver quantité d'images merveilleuses, d'elle et de nombreux autres artistes aussi apparus récemment)
Gérard, si il avait vu quelques mois plus tôt Marc retourner en ville, aurait fulminé. Mais il voyait aussi la relative désaffection des stages de Peyreblanque, qui les menaçait de misère matérielle, ou au moins d'inutilité. Comment faire autrement, alors que tous les grands discours anti-argent ou anti-capitalisme n'avaient finalement accouché même pas d'un embryon d'économie d'Entraide? Quant aux stages, ce n'était pas un problème de publicité ou de qualité: il devait y avoir une raison plus profonde. Une certaine mode était passée. Malgré un net progrès, la recherche spirituelle authentique restait ce qu'elle avait toujours été: rare.
(Ajouté en 2021: ce qui s'est en fait passé est que, comme promis par Yanathor, les énergies du Nouvel Age ont été coupées, et ce dès 1990, afin d'éviter de nourrir les multiples déviations apparues entre temps, certaines aussi graves que des mauvais traitements à enfants, j'ai moi-même du faire deux procès pour des cas de ce genre. Il en est résulté un creux dans la spiritualité, mais ces creux sont comme le mouvement des vagues à la marée montante: chaque nouvelle vague va plus haut que la précédente, grâce au retour d'expérience de cette précédente, précisément.)
Alors Gérard prit la chose autrement: «Nous avons voulu cultiver un petit jardin en dehors de l'ancienne société que nous jugions trop pourrie. Mais le petit jardin n'a pas prospéré, car nous ne sommes pas encore assez forts pour cela. Alors les quelques graines que nous avons pu récolter dans notre petit jardin d'idéal, nous allons maintenant les semer directos dans l'ancienne société. Ainsi, un jour, ce sera la Terre toute entière qui sera un jardin, une grande communauté hippie!!»
Il monta son coup avec Brigitte. Cette dernière oublia ainsi la tristesse de son retour sur la Terre, et retrouva dans le Service sa saine joie de vivre. Elle avait suffisamment d'argent de côté ou à venir pour ce qu'ils avaient décidé, sans compter la participation du groupe écolo local.
«Disons, expliqua Gérard, qu'avec les gens du groupement écolo, vous êtes un groupe de personnes intéressées par du maraîchage et des fruits bios. Vous rassemblez le pognon, le capital comme ils disent, vous achetez le matériel, vous vous engagez à acheter la production où à l'écouler ailleurs si il y en a trop pour vous. Moi, je suis le gérant de la SCOP de maraîchage. Vous créez mon emploi, je vous rend un service. C'est tout à fait compréhensible avec les vieux concepts pourris de l'économie de marché, mais au lieu que ce soit un patron qui fasse tartir tout le monde en voulant imposer son produit, ou une banque qui fait n'importe quoi, ce sont les gens, les consommateurs qui se rassemblent pour satisfaire leurs besoins réels.
- Ah! C'est un Cercle d'Activité, alors!
- Ah non, tu me disais qu'on ne peut parler de Cercle d'Activité que si tout est donné gratuitement, le travail comme son résultat. Si c'était un Cercle d'Activité, il serait vraiment récupéré à l'extrême par le système du salariat et du commerce. Un carré d'activité, plutôt. Non. Sans aller jusque là, ce que mon système apporte par rapport à une entreprise classique, c'est que ce sont les consommateurs, les gens ordinaires qui prennent en charge la satisfactions de leurs besoins, de la façon dont ils l'entendent, par exemple en bio, en écolo. Pour cela ce sont eux les propriétaires de l'entreprise, au lieu d'une banque ou d'un patron. Ce sont eux qui décident de la production. Les ouvriers, de leur côté, sont maîtres de leurs conditions de travail, avec la garantie d'un débouché minimum assuré. En cela effectivement il ressemble à un Cercle d'Activité.
- On est quand même loin des lois cosmiques!
- C'est l'application des lois cosmiques à l'intérieur du système emploi-pognon-commerce-paperasses. Bon, bien sûr, en les trempant comme ça dans cette merde, elles perdent presque toute leur force, leur Vérité, mais le peu qui en reste est encore beaucoup plus puissant que le grand capital lui même.
«Je préfère faire comme ça, avec un contrat légal et tout le bataclan, plutôt que de faire normalement, de la main à la main. Si on était tous parfaitement réalisés, on pourrait. Mais vois-tu, dans ce monde où tout peut cacher l'illusion, je ne sais pas... Et si je déviais, moi? Si un jour je ratais une marche du sentier, comme tant d'autres, et restait planté dans quelque voie de garage? Si cela se produisait, chacun récupère ses billes, et reprend l'activité de son côté. Et si les autres ne jouent pas le jeu, je peux toujours continuer comme entreprise classique.
- Ce n'est pas très optimiste! Normalement, il faudrait se faire confiance et compter sur la Divine Providence...
- Tu as parfaitement raison. D'ailleurs ce n'est, si nous le voulons, que des paperasses, un contrat fictif, une forme juridique pour les messieurs, sans importance entre nous tant que nous sommes en harmonie ensemble. Le seul ennui, c'est que le Frédérique aussi il parlait de faire confiance dans la Providence! Tu as vu ce que ça a donné! Je le croyais pourtant bien plus réalisé que moi... Mais bon, pour me faire dévier du sentier maintenant, il faudrait tout de même employer les grands moyens!»
Aussitôt dit, aussitôt fait. Gérard mène les négociations tambour battant, rassemble des sociétaires intéressés, (qui à eux tous n'apportèrent guère plus que Brigitte seule, mais passons) et tout est prêt pour la première saison.
Il n'a pas pu résister à l'envie de se choisir un bon gros tracteur, avec un arceau de sécurité. Et, le jour même de la livraison, il se plante sur la tête un immense chapeau de paille sorti d'on ne sais où, et il s'en va voluptueusement défoncer les vieilles terres de Peyreblanque, où aucun soc n'était plus passé depuis la guerre. Bien qu'il n'ait jamais appris, il manie son engin avec dextérité, couvrant même le moteur de son chant, comme si il n'avait fait que ça de toute sa vie, arrachant les souches, écrasant ces ronciers qui l'avaient nargué pendant toutes ces années de misère.
Yolande et Anita, elles, courent devant le tracteur pour repérer les gîtes de hases ou les nids d'oiseaux et permettre à leurs occupants de prendre le large. Les enfants admirent leur père depuis le bord de la route, a moins qu'on ne les voie, radieux, faire un petit bout de chemin assis à côté de lui sur l'engin grondant et trépidant.
Un matin, à potron minet, comme Gérard va au garage, on l'entend pousser un grand cri. Brigitte se précipite, pour voir... «Mais qui a fait ça?» Brigitte ne peut s'empêcher de pouffer, pendant qu'Hélène et Simone rient franchement: pendant la nuit, elles ont repeint le tracteur en mauve! Gérard fait mine de les battre, puis rit à son tour de grand coeur: «C'est vrai qu'il était bariolé cet engin, rouge et vert vif, quelle vibration désagréable. Il est bien mieux comme ça. Il ne reste plus qu'à trafiquer le pot d'échappement pour qu'il ne fasse pas tant de boucan, et on aura presque un tracteur de l'Ere Nouvelle.»
Deux semaines et trois pointes de soc plus tard, les principaux champs près de la route étaient labourés, prêts à être ensemencés, en engrais vert pour commencer. Il aurait en effet été hasardeux d'attendre une vraie récolte de cette terre truffée de racines de ronces ou de chiendent. Gérard épandit du fumier, des poudres de roche pour les oligo-éléments, et plus de quarante tonnes de calcaire, pour corriger l'acidité. Il ne faut pas croire que cultiver bio consiste uniquement à mettre du fumier: Ça coûte cher, de nos jours! Et il faut pour cela des exploitations d'animaux... Et question nitrates dans les sources, ce n'est guère mieux que la chimie. L'engrais vert est une bien meilleure affaire, surtout que certaines variétés étouffent le chiendent. Gérard sema selon les endroits de la vesce, du trèfle vert ou incarnat, du sarrasin, ce dernier renouvelant ainsi l'usage traditionnel de ces champs, et enfin de la luzerne, et d'autres légumineuses qui enrichissent la terre en azote. Tout cela promettait de faire un beau patchwork multicolore, surtout que Gérard travaille en lignes courbes et non pas droites.
Plutôt que de seulement rajouter des éléments au sol, selon la traditionnelle démarche matérialiste, la démarche moderne de l'agriculture biologique cherche plutôt à en restaurer la vitalité, la fécondité. Il s'agit de rééquilibrer, d'harmoniser, et surtout de vitaliser, pour permettre au foisonnement de la vie souterraine d'accomplir les merveilleuses transmutations dont elle a le secret. Un tel sol vivant peut, bien mieux que le sable stérile des champs classiques, se fournir lui-même de ce dont il a besoin et produire longtemps, beaucoup, tant qu'on l'entretient, tant qu'on ne le dévalise pas... (Note de l'auteur: ceci a été écrit en 1989. C'étaient déjà des faits bien connus à cette époque. Les gens appelaient ça microbiologie du sol, mais cela a été oublié depuis, par le bio commercial. Mais aujourd'hui 2020, l'idée revient, sous le nom d'agriculture régénérative)
Comme souvent, les champs de Peyreblanque occupent le plat alluvial au fond de la vallée, et le mas avait naturellement poussé à la rencontre de la surface cultivable et de la source, juste au-dessus des roches claires qui avaient servi de carrière. Ainsi les murs et le paysage s'harmonisent parfaitement. Plus haut sur les pentes s'étendaient les pâturages pour les vaches, aujourd'hui presque tous reconquis par une vigoureuse forêt de hêtres. Même la route moderne s'était insérée dans cet arrangement millénaire, entre le mas et les champs, à la place de l'ancien sentier muletier. Seuls les poteaux EDF déparent. Mais comme disait Gérard à son arrivée: «Le jour où on aura l'électricité solaire, leurs poteaux, ils pourront se les tailler en pointe et se les mettre... » De fait, aujourd'hui (2020), Gérard a changé de fournisseur d'électricité pour un vert. Il projette de monter des panneaux photovoltaïques. Mais EDF est partie avant: les poteaux ne lui appartiennent plus.
La remise en culture de Peyreblanque suscita un intérêt certain au village. Des agriculteurs, des voisins, le maire et même des chasseurs vinrent voir, dire bonjour, commenter. Les chasseurs se firent également plus discrets, moins envahisseurs. Enfin deux ou trois, pas tous malheureusement.
«Ça m'rappelle autrefois, ça fait plaisir! Je m'rappelle, là aussi, c'était cultivé, du blé noir comme on disait, et là haut c'était les vaches qu'on y mettait. Là ou vous avez mis la chaudière il y avait aussi les boeufs, deux paires, vous vous rendez compte, c'était un grand mas!
- Les promoteurs, au moins, ils pourront plus vous emmerder.
- Maintenant, au moins, vous existez, on voit ce que vous faites. Le yoga, c'est pour l'esprit, c'est bien, mais il fallait que ça s'relie à quelque chose de la terre, affirma sagement un vieux paysan qui ne s'était pourtant jamais relié aux choses de l'esprit.
- Ah, et Madame Brigitte, comme ça elle peut rester au pays, au moins.
- Monsieur Gérard, ça vous va bien on croirait vraiment que vous êtes du métier! Comme quoi les hautes études ça mène à tout. Ha ha ha!
- Et avec le bout que Madame Brigitte veut racheter aux Belges, et joindre à la société, vous aurez assez de surface pour vous mettre officiellement réserve d'oiseaux. Ma foi, chacun son truc, et ça vaut mieux pour les jeunes d'protéger la nature que non pas d'faire les mariolles en moto.»
La suite, amis lecteurs? Cette histoire a l'air quelque peu inachevée... C'est que nous voici rendus au moment présent où j'achève d'écrire ce livre, en Février 1990. Brigitte travaille à Peyreblanque, au maraîchage, découvre la taille des arbres, les espèces de fruits ou de légumes un peu oubliées mais si bonnes. Une vie discrète, sans aventures ni éclats, juste un peu plus de nostalgie des étoiles, comme doivent sans doute l'éprouver aussi ses lointains compagnons éolis, qu'elle rejoindra infailliblement, un jour...
Brigitte est maintenant libre. Que par nos choix et nos actions nous rendions ce monde trop mauvais, et nous n'entendrons simplement plus jamais parler d'elle. Elle sera pour nous comme un beau rêve, inachevé et impalpable. Nous ne saurons même pas qu'elle est redevenue Aurora et qu'elle coule à nouveau un Bonheur paisible dans son doux jardin d'Aéoliah, avec son compagnon Nellio et tous ses amis. Son seul regret serait que nous ayons refusé de goûter un tel Bonheur nous aussi. Mais que nous nous ouvrions à plus de Sagesse, et Brigitte, comme beaucoup d'autres, est prête à partager encore un temps notre grise vie pour qu'elle devienne plus colorée.
Mais n'attendons pas trop: Personne ne peut l'obliger à rester. La présence sur la Terre d'un être libéré est une faveur qu'il nous accorde. Il a tant d'autres choses plus passionnantes à vivre ailleurs, dans l'univers normal! Et si cet être de lumière part, comme bien d'autres, c'est fort probablement pour toujours. Profitons de sa Sagesse tant qu'elle est là. Dans quelques années sans doute de nouveaux événements (Politiques? Ou spirituels?) viendront donner une dimension nouvelle à des lieux discrets comme Peyreblanque. Le Don de Brigitte à nous humanité laisse mûrir quelques merveilleux fruits. Attendons la suite...
Ajouté en Octobre 2019: Vers 2005, les Jardiniers des âmes d'Aéoliah ont commencé à réduire les enlèvements d'âmes humaines vers Aéoliah, et ils ne le font pratiquement plus aujourd'hui. La raison en est l'évolution accélérée de la Terre. Pour les candidats à l'enlèvement, la Terre est en effet devenue une fantastique opportunité, et même un meilleur choix que Aéoliah, pour leur évolution. Pour les autres Terriens, ils ont besoin de l'exemple inestimable des êtres les plus conscients et les plus avancés, aussi les Jardiniers des âmes ne veulent pas les en frustrer. Cette situation ne réduit pourtant pas les Jardiniers des âmes à l'inaction: elle ouvre au contraire des possibilités nouvelles, qu'ils se sont empressés d'appliquer. Et bien entendu, il a été soigneusement veillé à ce que le portail vers le Logos Planétaire ne soit pas refermé.
Relisant en 2020 cette histoire écrite en 1989, espérant enfin pouvoir la publier, je constate que le travail de Brigitte et Yanathor a plutôt bien fonctionné: bien moins de dictatures, moins de guerres, moins de racisme, de sexisme et de discriminations, davantage d'écologie, de végétarisme, de spiritualité. Et surtout une baisse constante de la criminalité et du lapinage dans le monde, deux indicateurs de progrès spirituel très sûrs, indépendants des vicissitudes politiques.
Il y a bien sûr des bémols. Le plus gros est celui de la génération au cerveau abîmé par le plomb tétraéthyle dans l'essence auto. En effet les études scientifiques ont montré que les enfants plombés ont non seulement un QI inférieur, mais ils ont aussi davantage de troubles de la personnalité tels que l'agressivité. Les voitures se sont répandues à la fin des années 1950, ainsi que l'atroce mode de frustrer les bébés du sein de leur mère, dans le but de les empêcher de développer leur affectivité. Et logiquement cette génération a produit le mouvement crado-punk dans les années 1980, en réaction avec les mouvements positifs des années 1960 et 1970. Puis, cette génération vieillissant, elle produit aujourd'hui le renouveau de l'extrême-droite (qui est essentiellement un mouvement de vieux, frustrés de ne plus retrouver leurs repères dualistes dans notre monde actuel en rapide progrès humain et spirituel). L'interdiction du plomb tétraéthyle vers 2000 a finalement cessé d'alimenter cette génération sacrifiée, qui aujourd'hui glisse vers la vieillesse. Ce qui explique que, comme je m'y attendais, on revient avec la jeunesse idéaliste: les mouvements végans et anti-spécistes, les anti-discrimination, la prise de conscience écologique en masse, une merveilleuse génération qui agit enfin pour le climat, balayant la fainéantise et la lâcheté des politiciens véreux au cerveau pourri de plomb, de pognon et de pesticides organophosphorés.
Toutefois le modèle de la génération plombée n'explique pas tout: il y a quand même eu un progrès constant, depuis la vague crado-punk malodorante des années 1980, tout au long des années 1990, 2000, 2010. Même un pays comme l'Algérie, qui n'a pas interdit le plomb tétraéthyle avant 2020, a connu une baisse de la violence depuis les terribles événements des années 1990. Il y a donc clairement autre chose à l'oeuvre: un progrès spirituel général de l'Humanité. Et qui touche tout le monde, plomb ou pas.
La second nuance est que le Bouddhisme Tibétain ou Zen sont devenus plus populaires que le Yoga Hindou de Peyreblanque. Il y a des raisons à cela, cette voie se montrant plus proche de l'esprit scientifique occidental. Mais cela fait que finalement le mas de Peyreblanque reçoit moins de stages, et les prédictions de Yanathor au Chapitre 21 ne se sont pas réalisées. En tous cas pas dans le monde visible. Toutefois Peyreblanque reste actif dans l'agriculture biologique, et d'autres activités locales. Nul doute que le magnifique temple sert aussi à des réunions de méditation privées, pour continuer le travail de Yanathor. Mais cela est fait en toute discrétion, afin que personne ne puisse perturber ce travail.
Brigitte est également toujours là, mais se montrant rarement en public. Avec l'âge des premiers cheveux blancs, elle a fini par s'habiller aussi de blanc, ce qui la fait maintenant ressembler à la merveilleuse Chanterelle Del Vasto. Sa petite maison de campagne est toujours isolée et calme, mais reliée à l'Internet mondial par une parabole: Brigitte est très active dans les mondes virtuels. Bien entendu elle n'a jamais revu Yanathor, mais parfois elle ressent des effluves d'Auraliah, ou la douce lumière blanche de Milarêva, ou bien elle trouve des messages de Nellio sur sa table. Pas de fruits Aéoliens, toxiques pour nous. Juste des étoiles et coeurs éolis au crayon sur du papier. Cela ne prouve rien pour les autres, mais c'est un soutient inestimable pour elle, dans les moments de doute où elle se demande si tout cala n'aurait pas été qu'une illusion.
Le travail de Yanathor et Brigitte a finalement marché bien mieux que prévu, même si certaines choses se sont passées différemment. Mais c'était en finale à l'Humanité de choisit sa voie. Il est dommage que l'on m'ait empêché de publier ce livre quand j'ai fini de l'écrire en 1990, car alors tout le monde aurait vu l'histoire du livre se continuer dans la réalité. Mais il y a le dépôt légal que j'ai pu effectuer en 1999 ou quelque chose (Même là, j'ai eu à jongler entre des refus arbitraires, décidément ce livre irrite les anti-vie).
Vous pouvez vous aussi faire partie de cette passionnante aventure, en donnant l'exemple d'une vie meilleure, ou par vos méditations. D'autres accès au Logos planétaire ont même été ouverts depuis, comme la pratique de Kalachakra. L'affaire est donc entre vos mains.
Ces extraordinaires métamorphoses sont-elles terminées? Je pense que non, et on peut déjà discerner les prémisses de l'étape suivante. En effet, l'élimination de l'ancien antagonisme marxiste entre la «bonne révolution» et la «société pourrie» crée une non-dualité entre le progrès et le fonctionnement stable de la société. If faut alors bien comprendre que ceci est une situation entièrement nouvelle, qui change radicalement la façon pour laquelle nous travaillons pour une meilleur société: non-conflit, non-violence, non-séparation entre «eux» et «nous». Mais ceci a aussi une conséquence immédiate: le monde, ses gouvernements, ses institutions, ses entreprises, ses tribunaux, ses polices, ses médias, doivent maintenant être dirigés par des gens psychologiquement normaux. Nous ne pouvons plus nous permettre de voir des escrocs, des racistes, des entêtés, des ignares freiner des décisions vitales pour notre présent ou hypothéquer notre avenir. Une telle exigence va devenir de plus en plus impérieuse, et les dernières dictatures d'arriérés spirituels pourraient se terminer rapidement. J'ai même un nom et une date qui me trottent dans la tête: Shanghai et Chongqing, années 2040 (Voir mon roman: «Pourquoi Papa il vient plus»). Un bon conseil de Yanathor, donc, à toutes les idiots et mauvaise volonté qui tentent encore de bizuter ce monde: démissionnez. Laissez la place aux gens sérieux et instruits.
J'ai moi-même beaucoup appris pendant ces trente ans où ce manuscrit languissait sous la censure. Pour ceux qui voudraient participer à ce mouvement, notez que Kalachakra, le Guide mondial, a aussi un aspect féminin: Vishvamata, mère du Monde. Vous pouvez bien sûr méditer d'autres paires divines, comme par exemple Jésus et Marie, ou Mohamed et Aïcha, ou Shiva et Parvati, etc. Mais sachez que la non-dualité entre la compréhension compatissante de la Mère des Humains et la sage autorité de leur Guide forme un outil extrêmement efficace et affûté.
Scénario, dessins, couleurs, réalisation: Richard Trigaux.
Pour les archives Wayback Machine d'avant Mai 2024, cherchez l'ancien URL:
https://www.planet-eolis.net/nav/eolinav.php?index=2022&lang=fr&e=f
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