Un peu en aval de notre village éoli chéri, plus vers l'Est mais au même niveau sur la pente, alternent des bois et de petites prairies nichées entre des rochers clairs. Plus loin encore, le ruisseau va s'enfonçant de plus en plus profond, et le joli vallon, au bout d'un ou deux kilomètres, devient gorge toute ombrée d'arbres gigantesques. Plus loin encore il tourne au Nord et descend vers la grande rivière d'Irizdar.
Entre les rochers tachetés de lichens jaunes et les charmilles, pousse une herbe splendide, dont on peut suivre les variations sur quelques pas, ici un vert gras et frais, là de fines tiges pâles, là des groupes de minuscules fleurs lilas embaumant le romarin, le tout parsemé de pailles, de corolles de toute tailles et de toutes couleurs. L'allure en est nette, l'épaisseur régulière comme si elle était entretenue, mais c'est là un pur effet de l'aura de Beauté de la planète! Sous de grands arbres aux feuillages arrondis se cachent de petits plats dégagés, couverts de feuilles sèches d'un vert passé, séparés par des roches fantasques, des buissons impénétrables ou des massifs de fleurs aux fières hampes.
C'est le paradis, c'est la délicieuse et sensuelle joie de vivre dans la nature chaude et accueillante! Entre les grands arbres tutélaires croissent des bananiers et toutes sortes de fruits délicieux dont les seuls noms nous donneraient l'eau à la bouche!
L'ambiance est à la fois vivifiante et reposante, fraîche et douce, et comme partout dans la nature vierge et pure monte au coeur un chaud et enivrant désir d'embrasser la terre, de courir dans les sous bois, de sauter dans l'eau claire, de voler, de chanter, de s'activer... Comment dépeindre une telle Poésie avec nos pauvres mots? En de tels endroits, pourtant fréquents sur Aéoliah, même les éolis ne peuvent retenir une larme de Bonheur. Quand ils y passent, c'est en silence, tout emplis de joie et d'admiration.
Et poussent joyeusement les champignons, et embaument les fleurs menues tapies sous les plus hautes herbes, et crissent les grillons. Même les oiseaux ici sont discrets et chuchotent! Quels doux gazouillis! Ils n'osent donner de la voix que pour la prière du matin.
Si ces parages enchantés sont si beaux, me demanderez-vous, pourquoi les éolis ne s'y installent t-ils pas? C'est que si ils habitaient partout, il n'y aurait plus de merveilleux coins de nature vierge. Pour cette raison Aéoliah n'est guère habitée et cultivée qu'au dixième de ses possibilités. Ils sont pas fous les éolis. Cette discrétion ne les empêche d'ailleurs pas, comme ils sont très petits, d'être à quelques centaines de milliards sur leur planète.
Ces prairies ne font que dix à vingt pas chacune, de formes irrégulières, riches en recoins, placettes et terrasses à méditation reliés entre elles par des tonnelles, des escaliers naturels. L'idéal pour planter la tente, méditer ou s'aimer dans de merveilleux petits écrins de verdures, de roches et de fleurs, au son d'une flûte. On pourrait y mettre aussi bien tout un camp scout qui y resterait presque invisible!
C'est ce qu'ont fait tout naturellement les Gardiens Cosmiques. Ils sont trois, deux hommes et une femme. Ils n'ont pas amené une tente en toile, mais une merveilleuse petite maison volante. Ils l'ont à demi enfouie dans un buisson aux exubérantes grappes de fleurs mauves, sous les larges palmes d'un bananier. C'est un petit dôme d'un beau bleu pur totalement uni, bombé dessus et presque plat dessous, comme un petit pain. Pas beaucoup plus grand qu'une canadienne, et encore plus discret. La porte est un petit creux dans le tour, comme si on avait mordu dans le pain. Elle est fermée par un rideau un peu plus foncé.
C'est une fleur parmi les fleurs!
Elle donne sur une petite terrasse d'herbe rase. Quelques pas mènent au choix sur une autre terrasse rocheuse surélevée, à la vue dégagée, ou vers un petit recoin de mousse sous les arbres, selon que l'on désire méditer ou aller manger. Mais le plus souvent vous ne verrez pas les Gardiens Cosmiques: Ils accomplissent leur travail intérieur tapis sous les bananiers, où les grandes palmes couvrent de merveilleuses petites grottes de verdure lumineuse comme du vitrail et fraîche comme la source.
Quand ils mangent, ils n'ont que quelques ustensiles: une nappe, des paniers pour les fruits (en osier, mais oui) qu'ils rangent dans leur maison. Pour boire, il suffit de tendre les mains en coupe vers le délicieux ruisseau... Ils ne consomment pas que des fruits, aussi ils ont apporté une malle bleue aussi lisse que le dôme, en forme d'oeuf, dont ils tirent des plats tout faits, très compacts, sortes de galettes de céréales, qu'ils assaisonnent d'étranges aromates amenés de quelque lointain souk interstellaire. Ils laissent dans un coin d'ombre un germoir pour des graines, plusieurs plateaux transparents qui s'empilent, exactement comme les nôtres, qui leur permettent de se délecter de délicieuses graines germées. Pas de vaisselle: absolument rien n'attache ni ne colle après leurs bols, retournez-les, tout tombe, même les gouttelettes d'eau, et les voilà impeccablement propres et secs. Le dessus de cette cantine extrêmement pratique et pleine d'astuces s'ouvre comme un oeuf à la coque, et ils font leur popote là, en riant ou dans un silence complice.
En dehors des repas où les récipients sont posés en rond dans la mousse, rien ne traîne dans le petit camp. A moins d'arriver par les airs, il faut vraiment tomber dessus pour le trouver, tant il s'intègre harmonieusement et discrètement dans la nature. Les Gardiens vont jusqu'à ne pas écraser l'herbe, même là où ils marchent continuellement dessus. C'est d'ailleurs, avec la vaisselle autonettoyante et la maison volante, les seules choses pour lesquelles nous ne pourrions pas les imiter. Il faut bien dire qu'ils ont un truc.
Ils sont habillés de sortes de tuniques, comme celui que nous avions déjà vu, avec des fleurs brodées ou des signes de leur belle écriture pour nous totalement indéchiffrable mais si élégante et si poétique.
Ce petit camp tient à la fois du scoutisme et de la science-fiction, étrange mélange de nature immédiate et de l'inimaginable technologie des Gardiens. Sous un air d'indolence et de vacances, entre une séance de rires et l'escalade des arbres pour observer les nids d'oiseaux, ils se consacrent à un intense travail dans le monde de l'esprit. Ces êtres puissants, respectés de tout un groupe local de galaxies qu'ils parcourent dans leurs puissants vaisseaux, comblés de dons et de pouvoirs mystiques, se jouant d'une technologie ahurissante, sont immédiatement à l'aise dans un coin de forêt sauvage, sans presque rien nécessiter. Leur présence n'en trouble nullement sa Poésie, ne dérange aucun habitant, et même leur petit vaisseau de camping s'intègre parfaitement, comme une grosse fleur ronde. (Le mot exact qu'ils emploient se traduirait plutôt par «planeting» que par «camping»!) Ils retrouvent au contact de l'herbe et des feuilles la simplicité immédiate des enfants, l'astuce et la débrouillardise des Indiens. Ils font sécher des champignons, tressent des colliers de fleurs, rangent leur vaisselle en chantant, et harmonieusement rient, cabriolent et jouent à cache-cache sous leurs arbres complices.
Ils n'avaient pas du tout prévenu de leur présence. C'est Olfio, dans sa tournée des Esprits des Lieux, qui les a découverts. Intrigué par cette immense courge, bleue comme le cobalt et lisse comme le ciel, il s'approche et ne voit personne. Tout de même cette gigantesque maison est fréquentée, sans doute depuis plusieurs jours. Elle semble reposer sur les pointes de l'herbe, sans l'écraser. Il en aurait bien tiré le rideau, mais une invitation psychique à la discrétion l'arrête. Soudain un pas de géant fait frémir le sol derrière lui. C'est Yanathor, le Gardien qu'il connaissait déjà. «Hey venez voilà un éoli.» Ellebon et Auranaïa surgissent de sous les bananiers, riants comme d'un bon tour. Tiens, ils ont des cheveux, eux. Tout de même, une Gardienne au crâne lisse, c'est été bizarre!
Tous trois s'assoient souplement dans l'herbe moelleuse, autour de l'éoli, et échangent les présentations.
«Paix et Harmonie à toi, ami éoli. Nous travaillons pour Nellio et Aurora sans arrêt ces temps-ci, alors nous nous sommes dit comme ça, autant le faire ici sur votre si belle planète. C'est si délicieux le planeting ici.
- Joie et Sérénité à toi, ami éoli, continue Ellebon de sa voix douce et chaude. Ta planète est joyeuse et belle, quel délicieux Bonheur!
- Emerveillement dans ton âme, petit éoli au coeur pur et frémissant. Poésie et Auraliah, continue Auranaïa de sa voix sublimement suave et éthérée.
- Ben bonjour, quoi. Vous êtes les Gardiens Cosmiques?»
Ami lecteur, sans doute n'avez-vous jamais entendu parler d'Auraliah: c'est une vibration très poétique et féerique comme un conte, parfumée comme la violette ou le lilas, d'un violet iridescent comme certains volubilis, à la fois douce et intense, très pure, claire et chaude, et surtout extrêmement émouvante, comme un amour que l'on attend. C'est une des nombreuses et merveilleuses vibrations du monde des anges. Auranaïa, comme tous les Gardiens et Gardiennes de la Création, incarne plus particulièrement une ou plusieurs Vertus ou vibrations, qui forment sa personnalité. Elle, c'est l'Auraliah. Ce n'en est d'ailleurs que le nom approximatif, car la langue des Gardiens a plus de cent voyelles et consonnes, correspondant à plus encore de vibrations et de sentiments.
C'est une des charmantes coutumes des habitants des planètes de l'univers que de se saluer en annonçant les vibrations de leur personnalités, voire de les évoquer directement dans le coeur de l'autre! Pour la plupart d'entre nous, humains, nous aurions bonne mine, tiens. L'Auraliah nous paraît bien loin... Mais c'est pourtant vers ce monde de vibrations pures et belles que nous devons progresser chaque jour un peu.
Olfio, debout, redresse un peu son grand chapeau-fleur: il a devant lui des êtres merveilleux, nobles et beaux, d'une Bonté inimaginable et d'une puissance phénoménale. Qu'il se sent petit, et pas seulement par la taille! Pourquoi viennent-ils sur Aéoliah? Pourquoi faut-il que ce soit justement lui qui les rencontre?
Celui-ci, c'est Yanathor, le Justicier, le Réparateur. D'un seul geste, dans son puissant vaisseau cosmique, il pourrait effacer une planète entière, s'il l'estimait nécessaire. Les forces du mal, dont Olfio a vaguement entendu parler, s'enfuient terrorisées quand il se décide à les détruire. Mais il sait aussi consoler, raccommoder, réconcilier... Il a sauvé des civilisations, réuni des amants et des familles, rendu des guerres impossibles... Présentement, Yanathor est à demi allongé dans l'herbe, nonchalamment accoudé, un épi à la bouche, vêtu d'une simple tunique courte, comme l'autre jour. Il sourit, par gentillesse sincère, mais aussi parce qu'ils sont si rigolos, ces éolis! Attendrissants comme des bébés.
Si les messieurs de la Terre voyaient Yanathor en ce moment, ils le trouveraient «pas crédible». Ils feraient bien de faire attention, car il les a dans son collimateur. Si jamais le contrat de non-ingérence était rompu...
Ellebon, lui, c'est l'intendance. Non, pas la popote: Ellebon, comme la vibration de son nom l'indique, s'occupe de rayonner une ambiance de joie, de Bonheur tranquille. Il vit dans le même vaisseau que Yanathor, sans rien y faire de particulier. Il est là, il participe à tous les coups, il rayonne, il apaise. Blond comme un breton, malgré son teint bleu ciel, il porte une tunique également bleue descendant à ses pieds, couverte de symboles en camaïeux.
Auranaïa est assise en lotus, souriante au-delà du regard. Sa robe est devenue d'un violet phosphorescent, immatériel. Elle s'est entourée de voiles transparents qui flottent autour d'elle, sans poids, de colliers d'ambre indigo, de perles de lumière, et sa délicieuse aura se prolonge par un parfum irréel...
Ces merveilleux noms se prononcent attentivement, lentement, en enchaînant suavement les syllabes: Au-ra-na-ï-a... Au-ra-liah... en se branchant légèreté, magie indigo. Le dernier a s'étend, émerveillé... Essayez, vous verrez, c'est superbe. Ces noms, plus que des sons, sont des vibrations. Tout comme Ellebon sa gentillesse, Auranaïa rayonne sa féerie, sa sublime Auraliah. Auraliah peut aussi être une féminité éthérée, délicieusement intense, parfumée, immatérielle, mauve et violette comme le volubilis, au delà même de celle déjà merveilleuse des éolines.
En temps ordinaire, Yanathor, Ellebon, Auranaïa et tous les autres Gardiens sont à égalité dans leur cité des étoiles. Pas de chefs: les Gardiens sont adultes. Quand l'action exige la promptitude, Yanathor commande. Mais au moment suprême où il faut intervenir dans la vie d'un être, alors Yanathor s'aligne sur les Vertus incarnées par ses amis Ellebon, Auranaïa et beaucoup d'autres habitants de leur vaste cité volante, qui méditent dans le grand Temple de Cristal du vaisseau cosmique. Ce Cercle des Vertus reste volontairement à l'écart de l'action: ainsi sa Paix et sa Sérénité restent inviolées, et sa Sagesse inaltérée, toujours disponible pour y puiser l'inspiration la plus pure. D'autres ont pour tâche de veiller à ce que celui qui prend les décisions ait bien toutes les données en main. Peu importe qui commande à l'instant: tous travaillent selon les mêmes critères de toute façon, et le résultat est le même. Le plus souvent c'est Yanathor, car c'est dans son caractère. Mais chacun d'eux pourrait prendre sa place au pied levé, et ils le font au besoin, sans que jamais aucune de leurs décisions ne se révèle discutable après coup. Avec la formidable puissance de Vérité qui émane du Temple de Cristal, aucun mécompte, aucune erreur n'est possible. Il règne parmi les Gardiens la plus totale Confiance, garantie par leur respect absolu des Lois Universelles de la vie. Quelle formidable équipe!
Mais même ainsi, il ne faut pas s'imaginer que les Gardiens interviennent à tout bout de champ dans l'existence des habitants des planètes. C'est un acte bien trop grave qu'ils n'accomplissent que dans certaines circonstances bien précises. Vous pouvez même constater que sur la Terre leur présence est pour le moins discrète! Pourtant elle existe. Nous y reviendrons.
Olfio, intimidé comme tout, passe d'un pied sur l'autre.
«Eh Bien, poursuit le Réparateur, puisque te voilà, il nous faut aller dire à tous tes amis pourquoi nous sommes venus. Allons au village.»
Instantanément il se lève (d'une drôle de façon, sans s'appuyer ni sur les coudes ni sur les genoux) et d'un pas décidé, ouvre la marche, suivi de ses deux compagnons, Olfio voletant à leurs côtés.
C'est qu'ils trottent drôlement, d'un pas aérien, effleurant à peine le sol, ne laissant aucune trace de leur passage dans les hautes herbes. Même un Sioux ne pourrait pas les pister. Sans doute leur corps n'obéit-il à la loi de la pesanteur que quand ça les arrange. Pourtant il n'ont sur eux aucun attirail science-fictionnesque, ceinture anti-grav ou autres. Ils sont plus fins que ça, les Gardiens.
Olfio a du mal à les suivre! Alors Auranaïa, ses cheveux mauves et ses voiles ondulant dans le vent de la course, lui tend son bras gracieux, où il se pose, et le porte au niveau de sa poitrine.
Auranaïa est d'une splendeur stupéfiante, le visage bleu-mauve d'un ovale parfait, le menton juste un peu pointu, ses traits absolument réguliers, ses immenses yeux d'un vert lumineux, étrange contraste-harmonie dans tout ces bleus et ces violets, lumière d'eau dans l'aurore cosmique. Tout comme les éolines, ses formes sont fines sous sa robe brodée. Brodée? Est-ce le mot exact? Ce sont des taches de lumière, des perles floues, des fleurs-étoile. A y voir de près ce tissus n'est pas non plus du tissus... Elle porte aussi autour de ses bras des bracelets et colliers de perles multicolores, qui ondulent avec son pas sans s'entrechoquer. Son parfum est... indescriptible! Et sa présence émane... une merveille, une aura délicieuse, intense, féerique, féminine, mauve... L'Auraliah! Tout ce qu'elle touche en est imprégné et le Sioux de tout à l'heure serait irrésistiblement tiré sur sa trace par ce délicieux effluve ésotérique.
L'arrivée d'un tel trio dans le village fait, on s'en sera douté, sensation.
Trois Gardiens! C'est trop! Yanathor a bien fait les choses.
Bourdonnant comme ruche préparant un essaim, tout le village tourne bientôt autour d'eux. Auranaïa a un franc succès. Mais les plaisantins restent cois: le rire est incompatible avec Auraliah.
Quelle merveilleuse visite! Auranaïa, assise sur la pelouse de Nellio dans une brume de cheveux embaumés et de perles des étoiles, souriant sans rien dire, laisse monter les éolis et les éolines sur ses épaules, par deux ou trois à la fois, pour s'enivrer de son aura ineffable. Ellebon se promène parmi les cultures, attentif aux explications de tous les jardiniers, se baissant volontiers pour goûter une baie ou pour couler son regard dans les potirons ateliers. Yanathor, seul, assis sur un rocher, les jambes ballantes, rit de voir ces éolis contents comme des enfants. Il est heureux, Yanathor, de voir cette planète dans son bonheur parfait, idéal, inviolé. Bien sûr, il y a d'autres planètes. Beaucoup d'autres. Mais il n'est jamais blasé, et à chaque fois qu'il découvre une nouvelle planète, le voilà qui s'étonne et qui s'émerveille à nouveau de sa Beauté, de son Harmonie originale et unique. En cela il est conscient qu'il accomplit la destinée de tout être sensible dans la Création: s'émerveiller de la vie toujours jaillissante! Chez le Justicier, cet émerveillement gagne une profondeur, une gravité émouvante.
Quand Adénankar et son équipe arrivent, il est temps d'arrêter le jardin et de se préparer pour le repas du soir.
«Et si on mangeait ensemble?»
Aussitôt dit, aussitôt fait.
«Mais comment va t-on leur trouver de quoi manger? Ils doivent engouffrer chacun autant que tout le village?
- Mais non, ils ne mangent pas, les Gardiens.
- Si, ils ont goûté à mes lichous, aux pommes, et même aux champignons.
- Ils n'ont rien amené.»
Faux: Yanathor passe sa main sur sa tunique, apparaît une poche, d'où il sort... une grosse besace pleine de fruits, et un énorme gâteau. Les éolis se frottent les yeux, éberlués... Il aurait aussi bien pu sortir du frêle vêtement une enclume, ou une brouette, que ce n'eut guère été plus invraisemblable. Ces Gardiens cosmiques, il faudra leur demander exactement comment sont taillés leurs habits.
Tous trois s'installent le dos aux tonnelles, face aux éolis du village. Ils mangent délicatement, en silence, prenant le temps de se délecter, tout entiers à cette délicieuse et primordiale occupation. Probablement ces êtres spirituels n'ont pas besoin d'aliment physiques, mais ils se nourrissent tout de même de goûts et d'arômes délicieux.
Le soir descend, avec sa fraîcheur apaisante. Après l'émouvante prière des merles, les lointains appels nostalgiques des eyerlis, voici les grillons. Les grands visiteurs ne sont plus que des silhouettes hiératiques, et derrière eux se profile la Montagne du Soir avec son éternel phare magique au sommet. La dernière pluie y a laissé quelques pans de neige immaculée, ce qui est plutôt rare. La nuit, sous le phare rouge, cela donne une curieuse phosphorescence magenta.
Vers la fin du repas arrivent encore des éolis des bois environnants, et même des villages voisins. C'est la fête! Les fleurs-lumière s'illuminent comme des lampions, on en amène même des modèles extra, pour éclairer aussi les visages des Gardiens, sinon on ne verrait que leurs genoux. (Il ne faut tout de même pas trop en demander à ces braves plantes dont la puissance est tout de même très inférieure à celle d'une lampe de poche!) On rassemble toute une couvée de chenilles lumineuses qui se baladent partout. On en met dans les cheveux d'Ellebon, dans... Pardon sur les épaules de Yanathor. Pour Auranaïa, ce n'est pas la peine: elle irradie toute seule. Une constellation d'étoiles magenta et de phosphorescences violettes encadrent son visage mauve aux mystérieux yeux verts, eux aussi doucement lumineux.
Les éolis, heureux, rient, s'exclament, courent partout. Quelle ambiance survoltée et tranquille à la fois! Leur joie crépite doucement comme un feu de camp, sans déparer le silence de la nuit qui s'installe.
Sans transition, au moment qu'ils ont ressenti, les invités cosmiques se mettent à chanter de leurs belles voix. Yanathor, chaud et profond médium, et Ellebon, un peu plus haut, incroyablement tranquille, solide comme la roche. La sublime mélodie d'Auranaïa leur répond dans la nuit. Les éolis écoutent, médusés. Comment décrire cela? Ils s'arrêtent, le coeur battant, pour l'écouter, et même les grillons en font autant!
Comment voulez-vous que je vous parle du chant d'Auranaïa, même pour les éolis ce serait difficile. Et encore elle baisse sa lumière pour eux. Au son de ses exquises modulations, de sublimes frissons montent le long du dos, un indicible bonheur s'épanche dans le coeur, les fleurs lumières et les étoiles palpitent à l'unisson.
Quand Auranaïa laisse s'éteindre la dernière note, un long silence prolonge cette parfaite communion. Les roses et les dorés des fleurs lumières entourent son aura violette, parsemée d'irisations pourpres entourant le merveilleux vert de ses yeux.
Enfin Yanathor parle.
«Amis éolis, le but de notre venue ici ce soir va vous paraître bien étrange. Vous savez que Aurora est incarnée sur la Terre. Mais ce que vous ne savez peut-être pas encore, est que cette planète est actuellement à un stade critique de son évolution. Il faut dire que les terriens sont des êtres très créatifs à leur manière, et qu'ils progressent à une rapidité stupéfiante, dans leur compréhension de l'univers et de leur conscience. (murmures) Même nos confrères de la galaxie Terrienne ont été étonnés, et ils ont dû mettre en place une cellule d'observation permanente et mobiliser une grande puissance, au cas où il leur faudrait intervenir pour protéger cet éveil.
«Rappelez-vous que notre principal rôle, à nous Gardiens, est d'empêcher le mal de se répandre dans l'univers normal. Si seulement un soupçon de mal pouvait apparaître par exemple sur Aéoliah... (Ah non eh pas possible, brouhahatent les éolis) ...et que vous ne puissiez l'éliminer seuls, malgré votre volonté, alors nous sommes là. Nous sommes intervenus lors de la création d'Aéoliah, pour détourner des comètes qui menaçaient l'île où se préparaient vos merveilleux corps éolis. Nous sommes également intervenus plusieurs fois dans des affaires similaires à celle d'Aurora, ce qui explique que la crypte avec le transmutateur sur la Lune d'Uhluhlorah existait déjà bien avant. Mais sur la Terre, qui est hors la Loi Universelle, nous ne pouvons intervenir sans demande explicite et correctement motivée de ses habitants, car le mal qu'on y trouve est la création de ces habitants eux mêmes, humains et animaux. C'est leur truc, leur affaire, eux seuls peuvent l'éliminer, par l'intervention de leur seul libre arbitre, de leur Liberté essentielle...» A ce moment Yanathor a un sanglot... Oui, le maître galactique tout-puissant, le Gardien des foudres cosmiques pleure doucement sur notre sort, sans aucune nuance de colère ou de vengeance! La Compassion, c'est cela...
Il reprend, une étoile humide sur la joue: «Qu'ils le veuillent réellement: c'est seulement à cette condition que nous pourrons les aider ouvertement et au besoin détruire les forces noires considérables qu'ils ont accumulées sur leur dos, forces qui les empêchent aujourd'hui de penser ou de ressentir justement.
«Or actuellement les terriens se sont mis dans une situation paradoxale: d'un côté leurs consciences s'éveillent plus vite que jamais, mais de l'autre les gigantesques forces psychiques de destruction qu'ils ont entassées depuis des millénaires dépassent maintenant de loin leurs faibles forces morales, à tel point qu'elles menacent de rendre leur propre planète inhabitable».
Stupéfaction chez les éolis, qui n'auraient jamais pu imaginer une chose pareille: pour la plupart d'entre eux, le mal ne va pas beaucoup plus loin qu'une plaisanterie un peu lourde ou qu'un fruit pourri sur le nez! Il reprend:
«Alors c'est une course entre l'éveil et le néant, et personne ne peut savoir ce qui va se passer dans cinquante ans ou même seulement dans dix. C'est très complexe, les terriens partiellement éveillés tentent de lancer de bonnes énergies de toutes sortes, et n'y réussissent pas toujours, car les illusions et les ruses du mal sont nombreuses; souvent elles arrivent à bloquer ou à retourner ces énergies.
«Aurora est actuellement sur Terre, mais il ne faut pas croire qu'elle s'y trouve en victime dolente. Son passé sur Aéoliah lui permet d'assimiler bien mieux ce qui se passe et elle est rentrée de plein pied dans tout ce réseau d'influences contradictoires, et s'est consacrée corps et âme à sauver cette planète. Et c'est qu'elle y va! Quelle énergie! Quelle fougue! C'est bien une éoline!» (Des murmures d'admiration, de contentement! Oh oui, Aurora est bien une brave éoline!)
«Alors au début de l'affaire, il ne s'agissait que de la sortir au plus vite d'un monde barbare sans intérêt, dès qu'elle serait suffisamment rétablie pour être transportable. Maintenant ça s'est un peu compliqué. Notre mission interfère avec celle des Gardiens de la galaxie terrienne. Nous ne pouvons pas soustraire comme cela Aurora au rôle qu'elle s'est donné pour aider la Terre. Il nous faudra participer nous aussi à ce sauvetage. Oh, ça ce n'est pas un problème: nous acceptons très volontiers! (Il rit un peu, Ellebon et Auranaïa sourient en sympathie) Oh, elle ne sera guère plus retardée qu'une partie de vie terrienne, qui est très courte, vous le savez. Si on devait en attendre la fin, rien alors ne s'opposerait, une fois qu'elle aurait abandonné son corps terrestre, à ce qu'elle retrouve son corps d'éoline qui l'attend toujours dans la crypte d'Uhluhlorah. Donc tout va pour le mieux.
«Ceci explique également que nous apparaissions maintenant ouvertement sur Aéoliah. Vous le savez, notre déontologie, qui est très stricte, ne nous permet pas de nous montrer sans motif sur les planètes. Nous avons donc procédé discrètement à la sauvegarde du corps d'Aurora, et aurions pu le ramener de même: un matin elle aurait été là, parmi vous, et vous ne nous auriez jamais vus. Mais il en va tout autrement aujourd'hui, puisqu'Aurora a décidé de participer à l'évolution de la Terre. Elle y est incarnée, tout en étant habitante d'Aéoliah. Elle n'en a aucune idée, mais son initiative crée donc une situation tout à fait exceptionnelle, et ouvre de très vastes possibilités.
«Nous avons donc décidé de l'aider au mieux.
«Vous aussi, en tant que ses compagnons et compagnes, vous avez le privilège de pouvoir l'épauler particulièrement efficacement, si vous le voulez.
«C'est là que je vous étonne, petits éolis gentils, c'est que vous aussi vous pouvez participer au sauvetage de la Terre!»
Une houle d'étonnement prend alors la petite foule des éolis agglutinée sur deux épaisseurs aux pieds des Gardiens, dans la pénombre rosée des fleurs-lumière et le délicat parfum nocturne des tonnelles de cistes roses.
«Mais nous participons déjà avec le secourisme des âmes!
- Oui, vous y participez déjà, et vous avez fait merveille. Certaines des âmes que vous avez sauvées sont ici parmi nous, ce soir, pour partager le doux bonheur de cette merveilleuse planète. Et même, vous le savez depuis peu, une autre encore, a commencé de se préparer un corps dans le fin ventre d'Illinia. (Une larme, de joie cette fois, coule sur sa joue) Soyez-en remerciés. Mais vous êtes tellement humbles et discrets que vous ne parlez guère de ce que vous faites vraiment sur la Terre. C'est de l'or. Plusieurs âmes par vous aidées (occasionnellement ou à plein temps) se sont éveillées et participent activement à l'éveil d'autres âmes, comme par exemple ce terrien que vous avez appelé Elandunar et qui peint de merveilleux paysages de la Terre régénérée et libre, pour distiller dans le coeur des autres un peu d'envie de voir leur planète guérie! Mais également les énergies que vous avez envoyées à Aurora l'ont bien aidée. Vous en avez envoyé tellement qu'elles ont rejailli sur d'autres terriens qui méditaient eux aussi pour l'aider! Ils pensaient donner, et ils ont reçu.
- Comment? Ils la connaissent?
- Bien sûr ils ne savent pas qu'elle vient d'Aéoliah, mais ils l'ont rencontrée sous son apparence de terrienne et sont devenus ses amis. Comme ils sont en partie éveillés, ils ont senti qu'elle l'est aussi. Demain nous verrons comment continuer cet excellent travail, avec le groupe qui s'en occupe. Et dorénavant les secourismes des âmes pourront, de temps à autres, aller observer Auro...»
Quels hurlements de joie! Yanathor tente de parler encore un peu, puis y renonce: l'allégresse des éolis est indescriptible, à l'idée de revoir enfin leur compagne disparue depuis si longtemps! Quelle farandole ils font! Mais ils se taisent bien vite, de peur d'avoir mal entendu, suspendus aux lèvres du Réparateur. Ce dernier n'a jamais si bien mérité son nom!
«Euh oui, je me doutais bien que cela vous serait un peu agréable. (Petit rire d'Ellebon: Yanathor n'a pas l'habitude de s'exprimer par litotes) Vous avez bien entendu: dès les prochains jours une équipe de secouristes des âmes pourra aller voir Aurora, puis les autres équipes, mais à la condition impérative de ne point tenter de communiquer avec elle: elle n'est pas encore prête, elle est encore trop faible. L'égocentrisme ou d'autres conditionnements primitifs du cerveau terrien pourraient en profiter et la faire rebasculer dans d'autres sortes de mal, par exemple la frustration de ne pas pouvoir regagner Aéoliah. Ça ne sera pas si facile qu'avec les autres terriens, mais cela est maintenant à votre portée. Il faudra seulement veiller à ne pas prendre de débutants. De toute façon nous serons toujours avec vous dans ces sorties-là.
«Mais il y a mieux. Nous allons vous demander de vous préparer à une sortie inédite: aller sur la Terre non plus en astral, mais avec vos corps d'éolis.»
Cette fois c'est un silence incrédule et stupéfait qui accueille cette étrange proposition. Avec leur corps physique? Pour quoi faire? A quels effroyables et inconcevables dangers s'exposeraient-ils ainsi? Ne violeraient-ils pas la stricte loi de non-ingérence dans les affaires intérieures terriennes?
Puis petit à petit la pensée de Yanathor infuse dans celle des éolis, car ses paroles ne sont en fait qu'un support. Il sait s'exprimer tout aussi bien sans elles. Les éolis se servent de la parole comme nous, mais chez eux, tout mensonge étant inexistant, la parole a la valeur qu'à pour nous l'écrit d'un contrat. Oui, aller sur la Terre, et apparaître aux yeux d'Aurora-en-terrienne, éberluée, incrédule... Quelle merveilleuse surprise pour elle! Dans leurs petits coeurs chaleureux, les éolis imaginent qu'elle doit se sentir bien seulette et bien tristounette sur ce monde froid et gris! Cela pourrait se faire discrètement, dans un coin, sans ameuter les autres terriens comme au temps de l'empereur Charles. Après la divine surprise, Aurora n'aurait plus qu'à abandonner son corps terrien et à endosser celui d'Aéoliah... Et tout rentrerait enfin dans l'Ordre.
Mais une telle démonstration des éolis sur la Terre n'est tout de même pas indispensable, surtout en regard de ses possibles inconvénients. Aurora pourrait aussi bien rentrer directement sur Aéoliah, dès qu'elle serait prête. Les Gardiens doivent avoir une autre raison.
«Oui, bien sûr, amis éolis, il y a des raisons bien précises à cela. La première tient à l'âme profonde d'Aurora: elle-même (son âme) a spécialement demandé qu'il en soit ainsi. Ce sont des choses que l'on ne peut mettre en paroles, nous-mêmes nous nous en référons pour cela à nos maîtres dans le plan supérieur des archanges, au Cénacle chargé de l'évolution des planètes écoles comme la Terre.
«En fait ils suivent cette affaire depuis le début et nous ne faisons qu'exécuter humblement leurs ordres. Ce sont eux qui nous ont expliqué la seconde raison: en découvrant Aéoliah dans son corps physique, en vivant cette expérience avec sa personnalité de terrienne, Aurora-en-terrienne ressentirait des émotions et des idées extrêmement nouvelles pour un humain de la Terre, mais facilement assimilables par eux: ainsi ces émotions et ces idées pourraient passer très facilement dans les archétype de l'humanité terrienne et appartenir désormais à toute l'humanité, inconsciemment mais à son plus grand avantage.
«L'âme d'Aurora, avec la personnalité terrienne qu'elle a développée, se trouvait convenir particulièrement bien à cela; elle était repérée depuis longtemps par le Cénacle et elle a demandé elle même à le faire, avant même de naître sur Aeoliah. Allez savoir si son «accident» n'a pas été rendu possible pour que justement les choses se passent de cette façon. Figurez-vous qu'elle a même été convoquée au Grand Cénacle de la galaxie terrienne, votre petite amie! Quel pot elle a eu! Même nous les Gardiens on n'y va jamais.
«Cet extraordinaire événement a eu lieu il y a quinze années terrestres, Aurora-en-terrienne n'était qu'une petite fille. Je m'en souviens très bien: elle dormait dans une des boîtes à dormir empilées des terriens, (Yanathor désigne ainsi les HLM) la tête pleine des choses de la boîte à étourdir (la télévision) et des histoires de France, de géographie, de calcul, de privation de dessert...
«Cette émouvante petite enfant, germe de l'Infini semé dans le pays des taux actuariels bruts, n'a gardé aucun souvenir de cette fantastique rencontre, pendant son sommeil, ni de sa décision, car les sentiments et les vibrations qu'elle y a ressentis sont insaisissables pour le mental terrien. C'est comme si on lisait un rouleau de mathématiques à un plan de patates!
- Et avec une courge, ça marche?
- Eh, une courge, pourquoi? Fait Yanathor, déconcerté par une répartie aussi inattendue.
- Parce que la maison-courge d'Anthelme elle doit en savoir un bout, à force qu'il lui en lise depuis mille ans! Maintenant les courges de ce village, elles sont drôlement savantes!»
Cette fois Yanathor et Ellebon ne peuvent faire autrement que de pouffer de rire, avec tout le village! Même Auranaïa se balance et ses cheveux pétillent. Les éclats de rire durent un moment, d'autant plus que Yanathor semble avoir fini. C'est ainsi au village: le rire, la Joie, le Bonheur rejaillissent toujours spontanément dans les plus graves situations.
Mais soudain le silence revient. Nellio est dans la main de Yanathor!
Nellio! Qui n'a rien dit, tout au long de ces révélations. Nellio, à qui il ne fallait parler de rien, Nellio qui avait réussi à conditionner sa pensée pour qu'elle ne vienne plus sur son amour perdu, Nellio pauvre victime anesthésiée, objet de compassion, se tient maintenant debout face à ses amis, les mains sur les hanches, et sa résolution ne fait aucun doute. «Je l'ai complètement libéré» glisse Yanathor à l'oreille d'Ellebon, mais tout le monde entend.
Nellio a un clin d'oeil, il sourit même. Parfaitement décontracté, il irradie une détermination qu'on ne lui avait jamais connue, même avant le drame.
«J'irai avec les secouristes des âmes aider Aurora sur la Terre».
Les éolis, stupéfaits d'une telle assurance, lorgnent en direction d'Adénankar: on se rappelle les précautions draconiennes dont le vieux Jardinier des âmes avait entouré le secourisme, suite justement au drame d'Aurora, et l'interdiction absolue qui avait été faite précisément à Nellio d'y participer. Mais le Jardinier des âmes ne bronche pas. Si Adénankar ne dit rien, c'est que ce temps est révolu, désormais.
Nellio reprend: «Le projet d'Aurora retarde un peu notre réunion, mais ce n'est rien si cela permet aux humains de cette lointaine planète de s'éveiller plus vite. Au contraire c'est une Joie! En travaillant ensemble nous sommes déjà réunis!» Conclut le naïf héros, vite couvert par les ovations de tout le village et des environs rassemblés sur la petite place.
Ah! Les éolis exultants, chantant, trépignants, applaudissant! Dans le battement frénétique du grand tambour d'Artapon! La Joie de cette soirée doit irradier fort loin, et de temps à autres arrivent des éolis des villages voisins, et les chroniques de toute la région signalent cette nuit comme particulièrement galvanisante et joyeuse! Quant à Irizdar, il vaut mieux ne pas rapporter ce qui s'y passa au même moment!
Ces accès de joie un peu calmés, les éolis réfléchissent. Ils s'attendaient à voir simplement un jour Aurora sortir d'un petit vaisseau qui déguerpirait aussitôt sans attendre aucun remerciement, conformément à la mythologique discrétion des Gardiens. Au lieu de cela, ils ont leurs visites assidues, le chant sublime d'Auranaïa, et la promesse d'une étrange, fantastique, excitante aventure. La rencontre se ferait par étapes, par révélations successives, selon un crescendo du plaisir et de la joie, jusqu'aux retrouvailles finales. Au fond ce serait bien plus beau ainsi. Sans compter qu'ils contribueraient à l'émancipation de la Terre, émoustillante perspective à laquelle les éolis ne tiennent plus en place.
Yanathor commente encore: «Pendant tout ce temps, Nellio a évolué, sans que cela ne paraisse. Aussi vous allez connaître un nouveau Nellio, vif et fulgurant, dynamique et responsable! Il lui a fallu développer ces qualités pour pouvoir supporter son état; cela rejaillira sur toute sa personne.»
Comme pour illustrer ces paroles, Nellio bondit soudain de la main de Yanathor, se freinant de ses ailes ouvertes comme font les éolis quand ils sautent d'une grande hauteur, puis disparaît en courant dans l'ombre derrière les Gardiens, vers la forêt.
Nul ne sut jamais où Nellio passa cette nuit-là. Mais une chose est certaine: ce ne fut pas dans sa pyramide. Elle avait disparu, ne laissant qu'un petit carré de terre nue.
Scénario, dessins, couleurs, réalisation: Richard Trigaux.
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