(Musique suggérée: Pharista, Angel's voyage, Premiers pas vers le silence.)
De toute évidence, la belle inconnue de la crypte n'est pas native du satellite inhospitalier d'Uhluhlorah; sa vie était sur une des planètes centrales du système. Amis lecteurs, faisons un instant silence ensemble, et, flottant dans l'espace interplanétaire, rapprochons-nous de ce Soleil. Nous croisons Anthéroah, planète également toute d'air et de nuages, qui ressemble à notre Jupiter comme Uhluhlorah à Neptune. Quel saisissant spectacle que ces globes majestueux glissant sur fond de velours noir! Plus près encore de la chaleur vitale du Soleil gravitent plusieurs planètes rocheuses. Cette étoile est un peu plus grande et un peu plus blanche que la nôtre, mais cela n'empêche pas d'y trouver aussi une planète à la bonne distance pour être habitable.
Toujours flottant librement dans l'espace, nous approchons du Soleil, qui devient radieux et chaud. Son scintillement enfle en gloire, et, portés par une irrésistible et joyeuse pulsation, nous approchons encore jusqu'à ce qu'émerge de ce flot de lumière le croissant d'une planète: Aéoliah. Prononcez A-é-o-liahh... et prolongez le son avec un coeur émerveillé... Le premier A arrive, se pose léger et joyeux comme un oiseau, et juste le second repart vers son émouvant destin.
Changeant de direction, nous laissons le Soleil derrière nous, et contemplons de face ce fabuleux spectacle: le disque resplendissant d'une grande et belle planète, entourée d'un anneau doré, comme notre Saturne, mais moins large et fin comme du crêpe. Une inaudible orgue céleste vibre de ses plus majestueux accords... Aéoliah est couverte de vastes océans d'un bleu profond et velouté, entre des continents arborant toutes les nuances de vert, agrémenté de jaune ou de violacé. Les nuages se regroupent en un vaste arc reliant un pôle à l'autre, laissant le reste totalement libre. Comme nous approchons petit à petit, Aéoliah semble grossir... Ah! Comme une planète vue de l'espace est belle! Belle à couper le souffle! Enivrante! Surtout de l'aborder avec une lenteur envoûtante... Des détails toujours plus fins se dessinent: Des plaines, des myriades d'îles sous les tropiques, pas de glace aux pôles mais beaucoup de chaînes montagneuses, parfois piquetées de blanc. Les couleurs somptueuses et veloutées vibrent et chantent intensément dans la lumière chaude du Soleil. Quel étourdissant spectacle! Comment ne pas s'enivrer de contempler tant de paysages, tant de vies à la fois!
Aéoliah, grandissant toujours lentement, occupe petit à petit le ciel devant nous. L'anneau se profile sur notre passage, filet d'or qui soudain bondit sur nous, comme nous le frôlons au vol! La lenteur de notre mouvement n'est qu'une impression, due à l'immensité de la scène...
La magnifique planète brille maintenant au-dessous de nous; le limbe devient horizon et se pare d'un émouvant liseré bleu: l'air! Ténu et précieux filet de vie... En bas un continent se termine en pointe vers le Sud, près de l'équateur; il n'en finit pas de se diviser en péninsules, îles, caps et îlots, mers, baies et criques. La Beauté stupéfiante de ce globe idyllique nous émeut jusqu'aux tréfonds de nos êtres, en un sensuel désir de fraîche végétation et de ciel immaculé... Quel émouvant mystère, d'englober d'un seul regard tant de lieux de vie charmants, tant de paysages superbes à aimer, tant d'existences à vivre ou à construire!
La côte ouest de ce continent est bordée de montagnes mauves et brunes, pailletées de doré, de vert olive ou citron, avec de ci de là des étoiles blanches de sommets enneigés. Plus au centre, une multitude de lacs, une résille de fleuves sinueux scintillent comme des diamants au soleil, dans un écrin de verdure profonde et veloutée. Toujours planant en un lent et majestueux mouvement, nous glissons vers le Nord-ouest et survolons à l'infini une immensité sauvage de montagnes hardies à perte de vue, de pics altiers mauves ou roses, de dômes poétiquement arrondis, de plateaux intensément verts, de délicieuses vallées d'ombre turquoise... En un vol doucement descendant, nous approchons du sol; le ciel noir de l'espace tourne à l'indigo, puis à l'azur de la vie; l'oeil émerveillé découvre un monde de pentes, des rocailles, de prés ensoleillés, de petits cours d'eau, de recoins d'ombre fraîche, de vallons charmants; la forêt, de velours devient laine, parsemée d'arbres en fleurs; de curieuses collines ballonnées se parent d'anneaux concentriques, comme des courbes d'altitude sur une carte de géographie: vert tendre, jade, mauve, rose, or...
Nous descendons très doucement au dessus d'un frais plateau ondulé, échancré de ravins ombreux, ourlé de douces collines, de pics de grès rose aux formes élancées et poétiques. Un silence, une tranquillité étourdissante émanent de ce paysage de rêve, il nous saisit et nous englobe en une Paix formidable et pourtant si familière! Comme le repos de l'arrivée en un lieu hospitalier et accueillant, après un long voyage. Une chose frappe immédiatement le voyageur habitué aux paysages Terriens: Nulle trace de quoi que ce soit d'artificiel, aucune route, aucune maison ne trouent la verdure, pas une clôture ni même un champ. Aéoliah est entièrement et superbement vierge! Une nature pure, parfaite, inviolée! Fière, resplendissante de Soleil et de Liberté, comme un inspir infini et vivifiant, riche de la promesse de fruits au delà de notre imagination!
Nous nous approchons de la cime des arbres, et une immense Harmonie de chants d'oiseaux monte jusqu'à nous, avec le chuintement d'un frais torrent, tandis qu'éclate une luxuriance de fleurs et de grappes multicolores; l'air tiède vibre de Soleil et d'ombre apaisante, des délicieuses senteurs de milliers de fleurs, mêlées de résines balsamiques et d'essences de fruits mûrs, sur un fond de foin frais ou de pinède; Il entre si fluidement dans notre poitrine pour insuffler sa vie palpitante et pure, sa Liberté enivrante! La forêt, les arbres immenses palpitent de milliers de présences, du frou-frou des ailes, du bruissement des insectes, de jeux d'ombres et de lumière, de lianes aux fleurs voluptueuses... Tout un monde joyeux aime et danse avec une vitalité étonnante dans la végétation plantureuse qu'une douce brise caresse... Une telle Joie est communicative et nous voici avec une belle envie de nous rouler nous aussi dans l'herbe tiède, ou de courir légers comme l'air! Ô monde enthousiasmant où tout est léger, facile et agréable!
Nous atterrissons enfin dans une prairie en pente avec des buissons fleuris entre des petits ressauts pierreux. Un peu moins d'oiseaux ici que sous les bois, mais un calme, un bien-être merveilleux. Les habitants d'Aéoliah? Ce sont les oiseaux bien sûr. Haha! Y aviez-vous pensé? Il y a aussi des humains qui les aiment. Mais rappelez-vous: grands comme la main. Il faut se rétrécir encore pour les voir. Ça y est, nous sommes dans l'herbe, les hampes des fleurs portent leurs corolles au-dessus de nos têtes, nous marchons dans un crissement d'insectes ravis, sur un tapis de mousse, entre des feuilles de plantain et des plantes grasses (sans épines bien sûr), nous croisons des grillons empressés et enjambons une chenille passionnément jaune qui se marre!
(Musique suggérée: thème des éolis, BEARNS & DEXTER «The Golden Voyage»,
volume 3 «Look after tomorrow for me»)
Thimble Full Of Light
Ils sont bien là, les merveilleux éolis, les minuscules humains d'Aéoliah, dans leur doux village, tous plus resplendissants de Bonheur et de gaieté les uns que les autres. La créature de la crypte vient bien de là. Comme elle, ils sont très minces, avec une grande tête d'enfant, les épaules à peine plus larges que la tête, et les hanches plus fines encore, seulement marquées derrière par leurs petites fesses arrondies. Les bras sont très minces, presque translucides, et pourtant forts car nous en voyons qui, tels des fourmis, portent de lourdes charges. Ils sont beaux, ils sont heureux! Leurs visages sereins et souriants, naïfs ou espiègles, rieurs ou émus, actifs et enthousiastes, se parent de bouches menues et d'yeux immenses aux couleurs étonnantes: bleus, indigos ou violets, verts profonds, oranges flamboyants ou noirs envoûtants. Les éolines portent les seins menus et les éolis barbes chenues et moustaches à souhait; Ce sont les seules différences apparentes entre les deux sexes et portant on les reconnaît parfaitement même sans cela. Leurs cheveux sont souvent longs, de tous les styles que la nature a pu inventer: lisses, ondulés ou frisés, blond ou châtain clair, noir de jais, blanc rosé ou bleuté, feu, mauve... Mais le plus étonnant ce sont leurs ailes de papillon, irisées de rose, de mauve, d'orange. Et ils s'en servent! Et ils volettent gaiement au-dessus de leur village, bien qu'en général ils se contentent d'y marcher, sauf quand ils partent en expédition aérienne dans la forêt.
Leur habits sont d'une simplicité qui serait un peu monacale, s'ils n'étaient fort jolis: des tuniques amples et longues aux manches flottantes, unies ou dégradées d'orange pastel, de rose, de mauve... Elles sont toutes taillées environ sur le même modèle, mais parfois avec des fronces, parfois avec des franges... en fait toutes différentes. Tous les éolis et éolines portent sur le coeur cet insigne à la fois naïf et profond: une étoile à quatre branches, jaune d'or avec au centre un coeur rouge ou rose, qui leur donne l'air d'appartenir tous à quelque confrérie secrète, unie par on ne sait quel culte mystérieux... et sans doute très rigolo, à en juger par leurs mines réjouies! Dans le dos de leurs robes, il y a des trous, pour les ailes. Mais surtout, ils arborent tous, éolis et éolines, de ces immenses et impayables chapeaux éolis, sombreros démesurés faits tout d'une grande corolle de fleur aux pétales rayonnants, qu'ils portent comiquement relevé devant. Les couleurs les plus jolies sont là aussi de mise, sauf du vert que les éolis, comme les fleurs, ne portent jamais.
Qu'il est merveilleux de les voir vivre, de les contempler en mouvement! Oh leurs gestes aériens et libres! Oh leur démarche ondulante, spontanée, leur grâce oscillant entre la Poésie émouvante et un charme comique! Chaque geste, même le plus banal, est une danse, toute de grâce légère et de souplesse. Il ne le font même pas exprès: c'est chez eux le fond même de leur vie...
Ils ne parlent pas tant que nous, mais le font d'une voix cristalline, chantante, s'interpellant ou s'exclamant avec des accents joyeux et inénarrables, gazouillant comme de jeunes oiseaux.
L'endroit où nous sommes atterris, dans la prairie, est leur village. Il y en a de nombreux autres sur toute Aéoliah, mais c'est celui-ci que nous avons choisi, sur le huitième continent, celui des éolis à la peau rose comme les Européens. En fait on voit surtout de l'herbe. Devinez en quoi sont faites les maisons de ce village? En potiron, taillé en creux avec portes et fenêtres! Ce sont plutôt des sortes de calebasses, mais appelons les ainsi. Le village éoli, c'est avant tout un grand jardin, avec des plantes grasses, des fleurs, des fruits délicieux, des places moussues pour se réunir, et, cachées sous les feuilles, les maisons potiron, d'un bel orangé aux multiples nuances, garnies de fenêtres rondes; L'intérieur aussi en est rond et chaud comme un nid, et tout simple: souvent juste une petite pièce toute nue avec un lit ovale, deux bassines pour se laver, couvertes d'une corolle, et un léger rideau à l'entrée. Certaines, plus grandes, ont deux ou trois pièces avec des placards taillés dans l'épaisseur du mur arrondi. Ces charmants intérieurs sont peints de mauve, de bleu pastel ou de rose, a moins qu'ils n'arborent le délicieux teint pêche richement texturé de la chair nue du potiron.
Nous sommes arrivés, nous avons tout le temps de faire connaissance.
C'est l'heure où le Soleil descend, mais il n'atteindra pas l'horizon avant un moment. Moins d'exubérance, plus de Sérénité. Les grillons commencent à s'accorder pour le concert du soir, et les oiseaux reviennent de leurs excursions. Tous les éolis sont encore occupés, dans leurs champs ou leurs ateliers de plein air.
Des champs de coton poussent à l'orée du village. Un champ éoli, ça n'a pas de bord ni de rangées: c'est simplement un endroit où poussent les bonnes plantes, souvent mélangées entre elles, et mêlées de fleurs totalement inutiles mais si belles, le tout entre un chemin discret, une maison-boule et un groupe de cactus (sans épines, toujours). Bien sûr qu'on ne le distingue pas dans la nature! Il est la nature, et le village aussi. Le coton éoli ne se teint pas, car il fleurit naturellement de diverses couleurs: il suffisait d'y penser. Chaque jour il y a du monde dans le champ; mais aujourd'hui on s'est mis nombreux pour retirer les feuilles mortes du bas des plantes et faire la chaîne en chantant pour les porter au tas de compost. Quelques feuilles, et ça fait un éoli chargé. Il y a huit cotonniers orange, sept roses, un jaune, deux rouges, trois mauves, et d'autres un peu partout dans le village et les environs. Une petite chenille verte et jaune, égarée là, se retrouve à passer de main en main, elle aussi, et se demande bien pourquoi ça fait rire tout le monde. Les chenilles et les insectes d'Aéoliah sont, tout comme les oiseaux, parfaitement propres et tout à fait fréquentables comme animaux familiers, aussi ils se promènent librement dans le village en respectant les cultures et les fleurs des éolis.
Comme les flocons de coton mûrissent chacun leur tour, il faut butiner un peu partout la récolte. Un éoli à grande barbe volette de ci de là, comme une abeille, écarte les grands pétales vivement colorés, recueille les flocons, les pose sur un drap, à côté de son éoline qui le regarde tendrement. Quand ils ont rempli le drap, ils appellent un autre couple, et tous quatre, prenant chacun un coin, s'envolent ainsi avec leur charge. Ils la posent sur une placette, petit promontoire dominant le coeur du village, couvert de fine mousse vert tendre. D'autres éolis et éolines sont là. Ils trient le coton, le nettoient et le mettent en balles. Comme cette activité laisse l'esprit libre, c'est là que l'on se raconte des histoires, et qui dit esprit libre dit rire! Oh le féerique rire cristallin des éolis! Totalement aimable et bienveillant du reste, comme un rire de petit enfant, frais et dégagé, mais si contagieux!
Il faut voir les éolis vivre et travailler. Là un petit groupe chemine, quelques ustensiles à la main. Arrivés sur le lieu de l'activité, en quelques mots, tout est dit, tout est décidé, et les voilà illico qui se mettent à piocher joyeusement, à ramasser ou à porter, ou à grimper dans les arbustes pour cueillir. Souvent un ou deux s'assoient, chantent comme des anges dans des modes émouvants et inconnus chez nous, ou tirent quelques douces notes d'un pipeau plus grand qu'eux. Quand ils ont fini, ils contemplent ce qui est accompli, puis en quelques mots concluent ou expriment leur satisfaction. Et aussi sec, trottinant, ondulant de la hanche en balançant les cheveux, les voilà qui repartent vers une autre joyeuse activité.
Le jour arrive à sa fin, petit à petit.
C'est un moment de grande tranquillité.
Sur la plus grande place du village, en haut de la colline, s'affairent ceux qui ont choisi de préparer le repas aujourd'hui. C'est fort simple du reste: les éolis mangent des fruits, des feuilles et des champignons, tels que la nature les leur offre. Point de cuisson ni de plats de céréales comme chez nous. Préparer le repas, c'est aller chercher ce qu'il faut dans les champs, le rassembler sur un lit de feuilles fraîches, couper les fruits en tranches ou en faire du jus avec un pilon. C'est une activité agréable, que les éolis affectionnent; ils le font poétiquement, dans le calme, sans parler, ou juste d'une voix douce pour le nécessaire, et sans rire (sauf cas de force majeure). Une grande éoline toute jaune et blonde en nappe, comme un Soleil, porte un gros fruit semblable à un actinidia. Pas pressée, elle marche doucement en ondulant son frêle corps. A chaque pas un parfum de fleur différent vient vibrer en harmonie avec celui du fruit; l'air est doux, un bien-être vivifiant monte le long de ses reins vers son coeur ému de bonheur... Ses lèvres ébauchent des paroles d'une chanson, ses yeux verts emplis de rêve s'égarent d'un côté, de l'autre, tandis que le fruit dans ses bras se dandine poétiquement au rythme de ses pas.
Eolis et éolines goûtent ainsi un bonheur palpable et toujours renouvelé, fait de la trame des jours et des plus petites choses de la vie accomplies à la perfection. Le repas du soir est calme, accompagné de musique sur des instruments éolis, en compagnie de nombreuses espèces de grillons aux chants variés.
En attendant que le Soleil touche la Montagne du Soir pour commencer, tout le monde arrive petit à petit.
Quelquefois, à la fin du repas, quelqu'un parle, mais le plus souvent on reste ensemble en silence, méditant ou rêvant. Le jour décline, une douce fraîcheur monte de la terre. Les oiseaux se taisent ou retournent dans la forêt; certains nichent dans le village même et pépient doucement, tendrement, en prenant leurs places pour dormir. C'est l'heure des grillons. Avant que la nuit ne soit complète il faut ranger le repas: essuyer les rares ustensiles avec des feuilles, les ranger dans une petite maison à côté de la place, porter les déchets au compost et les recouvrir avec les feuilles qui ont servi de nappe, mélange idéal pour faire du bon terreau.
A la nuit tombée, certains éolis restent ensemble sur la place, en silence. Les éolis ne dorment pas toute la nuit comme nous terriens. Ceux qui vont dormir ou méditer ailleurs se dispersent sans bruit, deux par deux, main dans la main. Car il faut vous dire maintenant le plus beau: Absolument tous les éolis et les éolines s'aiment d'un amour merveilleux. Toute leur vie ils la passent ensemble, deux par deux, et naturellement ils dorment ensemble dans leur lit ovale comme nous le faisons sur Terre. Toujours avec émotion ils soulèvent le rideau de leur maison potiron, vers leur mignonne petite chambre, dans le doux parfum du jour qui meurt, et toujours tendrement ils s'embrassent ou se regardent en silence avant de glisser dans les bras l'un de l'autre, vers le sommeil ou vers le rêve...
La douce et envoûtante nuit d'Aéoliah prend possession du plateau; des bouffées d'air tiède aux senteurs de résine se mêlent à la fraîcheur humide montant des ravins, tandis que s'estompent les parfums des fleurs et des fruits. Aux clartés des étoiles répondent sur les collines des constellations de fleurs luminescentes, et l'anneau planétaire étend dans les cieux son immense arche d'or vaporeux. Le silence de la nuit est peuplé de chuintements furtifs, de grillons, des notes flûtées de crapauds, qui ne cesseront que plus tard. Au loin chantent les mélodieux et nostalgiques eyerlis que l'on ne voit jamais. Dans cette nature superbe et altière, le village des éolis ne signale sa présence que par quelques douces voix d'anges et chuintantes notes de flûte... Mais sûrement les étoiles elles-mêmes se penchent et frémissent pour les écouter, car en ce lieu idyllique l'univers et ses occupants accomplissent ensemble dans la plus parfaite plénitude tout ce pour quoi ils ont été créés: s'émerveiller!...
Il ne faudrait pas, au vu de cette description enthousiasmante d'un monde idéal, croire qu'Aéoliah ne serait qu'un quelconque Eden factice et éthéré. La planète est de bon et solide roc, et ses habitants de chair et fermes à la besogne. La vie quotidienne y est faite de gestes humbles et concrets, d'activités manuelles, de tous les petits riens indispensables à la vie dans notre univers matériel. Mais les éolis vivent leur vie vraiment, ils en jouent le jeu à fond, sans arrière-pensée, sans filtre, ils goûtent à toutes ses joies et à toutes ses merveilles. Aéoliah ressemble étonnamment à notre Terre, n'en différant que sur un point essentiel: Le mal tel que nous le connaissons en est totalement absent, même sous ses formes les plus subtiles... Et s'il en est totalement absent, ce n'est pas par quelque absurde caprice de la Création, c'est parce que ses habitants, qu'ils soient éolis, animaux ou même des plantes, n'en ont pas voulu... et ont fait ce qu'il fallait pour qu'il n'y apparaisse pas! Nous verrons comment.
Il n'y a pas de vieux dans le village, ce qui est au fond normal dans un paradis. Mais il n'y a pas non plus d'enfants, ce qui est déjà plus étonnant.
Et puis... Que voyons nous ici? Un éoli solitaire, à la courte barbe frisée châtain, vêtu d'une robe indigo simple, qui s'éloigne dans le doux crépuscule; son pas n'ondule pas et ses yeux ne s'égarent pas rêveusement dans les roses et les mauves du couchant. Il sort du village (qui n'a pas de limite précise: les maisons sont simplement de plus en plus dispersées parmi les herbes et les buissons, certaines assez loin) et, à l'écart, il longe un rocher, contourne une place ronde beaucoup trop grande pour un village éoli, à moitié entourée de roches cachées dans des buissons. Parmi ces buissons, au bord de l'esplanade, émerge la maison de l'éoli solitaire: une pyramide, lisse et orange pastel, avec l'ouverture ronde de sa chambre, fermée par un rideau mauve. Cette chambre ronde ressemble à toutes les chambres éolines, mais sur le mur du fond, il a peint l'image de l'éoline de la crypte d'Uhluhlorah, avec un réalisme et une tendresse émouvants; elle rayonne un sourire chaud et infiniment confiant. Derrière ce mur, le coeur de la pyramide recèle le même genre d'appareils que dans la crypte, mais ceux-ci, miniaturisés, frémissent de mauves et de roses irréels.
Pour bien comprendre ce qui a pu arriver à ce couple éoli, ce qui a pu les atteindre même ici, en ce lieu pourtant à l'abri de tout accident, de tout coup du hasard, définitivement hors de portée de toute influence ou ruse du mal, il nous faut remonter loin en arrière, il y a fort longtemps, et raconter leur émouvante et étrange histoire tout au long de ce livre.
Scénario, dessins, couleurs, réalisation: Richard Trigaux.
Pour les archives Wayback Machine d'avant Mai 2024, cherchez l'ancien URL:
https://www.planet-eolis.net/nav/eolinav.php?index=1002&lang=fr&e=f
Notice légale et copyright. Sauf indication contraire (signe © dans la barre de navigation) ou exception légale (pastiches, exemples, citations...), tous les textes, dessins, personnages, noms, animations, sons, mélodies, programmations, curseurs, symboles de ce site sont copyright de leur auteur et propriétaire, Richard Trigaux. Merci de ne pas faire un miroir de ce site, sauf si il disparaît. Merci de ne pas copier le contenu de ce site, sauf pour usage privé, citations, échantillons, ou pour faire un lien. Les liens bienveillants sont bienvenus. Tout usage commercial interdit. Si vous désirez en faire un usage commercial sérieux, contactez-moi. Toute utilisation, modification, détournement d'éléments de ce site ou du monde des éolis de maniére à déprécier mon travail, ma philosophie ou les régles morales généralement admises, pourra entraîner des poursuites judiciaires.